En Europe comme aux États-Unis, Webster a donné des centaines d'ateliers d'écriture rap à des jeunes. Toujours passionné par l'histoire des Noirs, il veut toutefois s'éloigner de l'étiquette du rappeur engagé avec son nouvel album À l'ombre des feuilles.

Le dernier disque de Webster s'intitulait Vieux d'la montagne. Le titre de son successeur, À l'ombre des feuilles, fait référence à un manuel de samuraï. «C'est un enseignement caché. Il faut que tu déchiffres plusieurs niveaux d'analyse», explique Webster.

Le rappeur de Limoilou incarne un sage qui prend du recul. «Sur cet album-là, je suis moins fâché et enragé contre la société, dit-il. Ce n'est pas un album politique, moi qui ai déjà fait ce que j'appelais du terrorythme. Je voulais me libérer du carcan du rappeur engagé. Je suis plus que ça... C'est un album que je qualifie de calligraphique. Tout est axé sur l'écriture avec un côté philosophique» dit-il.

Dans la chanson L'Art des calligraphes, Webster dit: «Quelques gouttes d'eau polissent la pierre ponce/Devenues quelques gouttes d'encres/Un coup de poignet traduit la pensée/La petitesse d'un trait englobe l'immensité d'un monde».

Faire réfléchir

À 34 ans, Webster souhaite faire réfléchir plutôt que de déranger avec un ton «conversationnel». «En Afrique, les gens se réunissent sous les arbres, à l'ombre des feuilles, pour discuter», souligne-t-il.

Paix d'esprit est une chanson emblématique de son troisième album solo francophone et de son septième en carrière. «You don't have to worry/Just be yourself», répète la chanteuse invitée Kathryn Samman. «Ça va faire 20 ans que j'écris. Aujourd'hui, quand j'ai fini de travailler le texte, je suis rendu à un point où je suis satisfait», dit Webster.

Si le rappeur est plus sage qu'outré, l'auteur de Quebec History X n'a pas terminé d'enseigner des chapitres méconnus de l'histoire des Noirs et de nous présenter des personnages comme Alex Grant, à qui il dédie une chanson. «Le texte est simple, mais j'aime cette histoire vraie d'un activiste anti-esclavage de la rue Saint-Paul à Montréal», explique le bachelier... en histoire, justement.

Québec représenté

Fils d'un père sénégalais et d'une mère québécoise, Webster - né Aly Ndiaye - est l'un des doyens de la famille de musiciens de Québec et de celle du label Abusive Musik. Il a par ailleurs refait équipe avec le réalisateur Claude Bégin, qui travaille aussi avec son ami Karim Ouellet. «Claude est un bon musicien qui connaît le rap, mais qui est capable d'en sortir.»

Des beats hip-hop se mélangent avec du scratch, du soul, du R&B et des échantillonnages de violon et de piano. Dans ses textes, Webster balance des propos enflammés et farouches (Faits VQ, Reste Vaillant) malgré son recul et sa sagesse. Des pièces coulent avec légèreté, d'autres s'enfoncent grassement dans les basses fréquences (Strychnine).

Les invités sont nombreux. Des évidences (Karim Ouellet, sa soeur Marième), le reggae man Papa T, l'ex-candidate de La Voix Valérie Clio, des amis rappeurs (Karma Atchykah, Souldia, Showme) et des camarades de son ancien groupe Limoilou Starz (Assassin, Loki, Showme).

Ateliers d'écriture

Depuis que le Musée des beaux-arts de Québec lui a demandé de faire un atelier d'écriture pour les adolescents durant la semaine de relâche, c'est un boulot à temps plein pour Webster. Du Wisconsin à l'Université d'Harvard en passant par le Bronx et l'Europe, il se promène dans des écoles, des congrès d'enseignants, des centres jeunesse et différentes associations francophones.

«Ça m'a permis de théoriser le rap, dit-il. Mais j'enseigne plus que le rap... j'enseigne l'utilisation créative du français.»

Webster a déjà vu une enseignante pleurer à la fin d'un atelier. «C'est la première fois que je vois mes étudiants tranquilles», lui a-t-elle dit.

Webster prône le rap intelligent. «C'est pas juste les chars et les pitounes. Le rap, à l'époque, c'était de l'artisanat. C'était poétique, songé, profond... même si tu parles de la rue. Je veux montrer que le rap est un mouvement littéraire.»

Rapper à 35 ans, c'est comment? «Le rap n'est pas générationnel, c'est de l'art, répond Webster. Je me vois comme un vieux jazzman. Je fais de la musique spécialisée.»

«Ici, contrairement au Sénégal, les gens n'ont pas encore incorporé le rap à la culture québécoise comme Éric Lapointe et Ginette Reno. Moi, je fais pas juste du rap. Je fais du rap québécois.»