Pourquoi Christine Jensen se fait-elle prendre en photo devant Habitat 67, fameux concept architectural signé Moshe Safdie? Et pourquoi au juste avoir intitulé Habitat le nouvel album de son Orchestra?

«Les concepts architecturaux m'ont toujours inspirée en tant que compositrice, répond la jazzwoman montréalaise. L'exploitation et l'aménagement de l'espace physique me fascinent. J'ai toujours aimé cette idée de personnaliser les espaces d'un édifice, faire en sorte que chaque pièce soit spécifique. Dans la même optique, j'adore créer et aménager les espaces de chacune de mes compositions. Ainsi, chaque pièce de l'édifice est spécifique. Chaque musique raconte une histoire différente, s'ouvre à des paysages différents. Ainsi, je vois des liens évidents entre composition et architecture.»

Puisque l'album du Christine Jensen Orchestra est lancé aujourd'hui sous étiquette Justin Time et que sa matière constituera le programme d'ouverture de l'Off Jazz au Lion d'or, une visite de l'Habitat s'impose. Visite, bien sûr, guidée par la saxophoniste, compositrice, arrangeuse, improvisatrice, leader émérite, frangine de la très douée trompettiste Ingrid Jensen qui participe à son nouvel opus.

«Treelines, amorce-t-elle, était au départ une commande pour l'orchestre de jazz de l'Université Nebraska-Lincoln. Son directeur, Paul Haar, avait entendu mon album Treelines et m'a donné l'idée de reprendre le titre de cet album pour big band. Une sorte de lien... Le projet consistait à faire bouger un thème mélodique à travers différentes sensibilités musicales et transformations rythmiques.»

Triste séisme

Tumbledown s'inspire du séisme en Haïti, que Christine a visité deux fois en tant que musicienne: «Port-au-Prince est l'un des endroits les plus fascinants au monde, l'un des plus fous et l'un des plus merveilleux à la fois. Lorsque le tremblement de terre s'est produit, j'ai ressenti beaucoup de tristesse et j'ai écrit cette pièce.»

Blue Younder tire sa source dans un voyage effectué au Pérou. «À Lima où j'ai joué avec mon quartette, j'ai fait la connaissance de percussionnistes qui m'ont marquée particulièrement. Ainsi, je me suis initiée aux instruments de là-bas (cajón, cajita, etc.) et j'ai transposé cet esprit afro-péruvien dans mes compositions.»

Nishiyuu exerce une fonction critique. «Je suis très préoccupée par l'avenir des Premières Nations au Canada. J'ai personnellement des amis amérindiens et j'ai été très touchée par le mouvement Idle No More.»

«Intersection et Sweet Adelphi, les deux dernières au programme, avaient été écrites à l'époque de mon album précédent. Elles ont leur histoire propre et permettent à l'orchestre de s'exprimer dans des zones plus familières après s'être concentré sur une matière plus neuve. Zones plus mélodiques, plus ludiques.»

L'évolution générale de Christine Jensen à travers ce nouvel édifice? L'architecte d'Habitat résume:

«Plutôt que de faire évoluer des concepts pour petits ensembles vers des pièces pour grands ensembles comme je l'avais fait précédemment, j'ai tout de suite imaginé des musiques pour un orchestre de cette taille - une vingtaine de musiciens. Ce sont de vraies compositions pour grand ensemble et les espaces d'improvisation réservés aux solistes y sont mieux aménagés. J'ai appris à être plus succincte tout en sachant mieux ce que je pouvais tirer de mes musiciens.

«Ma relation avec eux, se réjouit-elle, a évolué pour le mieux. Je crois d'ailleurs que cette communauté du jazz montréalais est parmi les meilleures au monde.»

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En ouverture de l'Off Jazz, le Christine Jensen Jazz Orchestra se produit ce jeudi, 20h, au Lion d'Or. Infos: https://www.lofffestivaldejazz.com/