Rivard suit son rythme. Sept ans après Confiance, il affiche une sérénité baignée de mélancolie qu'il affiche tout entière dans le titre de son nouveau disque: Roi de rien. Une affaire d'amitié, de poésie et de guitare.

Il y a environ 40 ans, Michel Rivard est parti de la banlieue où il vivait avec ses parents pour s'installer au coin de Mont-Royal et De Lorimier. Il s'est dit: «C'est ici.» Là, au coeur du Plateau Mont-Royal, il se sentait enfin chez lui. C'était un peu après l'UQAM et la troupe La Quenouille bleue, au moment du premier album de Beau Dommage.

Des décennies plus tard, le revoilà résidant du Plateau, pas très loin de chez son luthier. «Je me suis remis à marcher, à arpenter les ruelles et à regarder les gens. Pas juste la jeune et nouvelle faune du Plateau. Moi, ce qui m'intéresse, c'est le vieux Plateau qui est encore là, malgré les restos à la mode et tout ça, précise Rivard. Les images se sont mises à défiler et je les ai accueillies.»

Roi de rien, chanson qui a lancé ce cycle d'écriture et qui - à tout seigneur tout honneur - ouvre le disque, est de ces textes dans lesquels on perçoit le bruissement de la vie à travers une suite de saynètes et de portraits croqués sur le vif. Ce n'est pas la seule chanson du disque à reposer sur ce type d'accumulation contrôlée de petits riens: Styromousse et Après l'orage le font aussi.

Rivard n'aborde pas l'écriture sous cet angle pour la première fois. Rappelons-nous La lune d'automne, sur Le goût de l'eau... et autres chansons naïves, ou encore Petite reine de banlieue, interprétée par Luce Dufault sur son album Demi-jour. «Il n'y a rien de nouveau sur ce disque-là», dira plus d'une fois l'auteur-compositeur-interprète au cours de l'entretien.

La musique du réconfort

Marteler qu'on ne fait «rien de nouveau», n'est-ce pas la chose la moins cool à dire en cette époque éprise de nouveauté? «Je ne suis pas cool», rétorque Rivard. En souriant. Il espère bien entendu qu'on trouvera que son écriture s'affine, mais il a depuis longtemps choisi sa voie, celle du folk enraciné en Amérique du Nord et des chansons en demi-teintes. «Je me plais là-dedans», dit-il.

«Quand quelqu'un dit: c'est du bon vieux Rivard, ce n'est pas une insulte pour moi, ajoute-t-il. Je suis heureux d'être là. Ça prend des artistes pour nous fouetter le sang, tout remettre en question et nous rattraper au détour. Ça prend aussi des artistes pour nous conforter, pas dans l'indifférence, mais pour nous rassurer, comme un ami, un lieu ou un plat peut nous rassurer. Ça ne me déplaît pas de jouer ce rôle-là.»

Roi de rien, c'est en effet du bon vieux Rivard. Parfois du très bon Rivard avec un vernis de nouveauté aussi. Trois des morceaux de ce disque enregistré avec son bon vieux Flybin Band (Mario Légaré, Rick Haworth et Sylvain Clavette) et réalisé par Éric Goulet tirent son folk vers un blues forestier, un brin électrique et nocturne: Dans l'bois, l'intime et pourtant presque épique Avalanche et l'excellente Vertige, portée par un riff envoûtant.

Simplicité revendiquée

«Il y a une simplicité volontaire là-dedans et surtout le désir de rendre hommage à la musique qui m'a mis au monde», raconte Michel Rivard. Ses racines musicales, elles sont américaines. Il les évoque dans Mélodie où il nomme Dylan et Peter, Paul&Mary. Ce n'est pas innocent: la première chanson qu'il a été capable de chanter en s'accompagnant à la guitare, c'est The Times They Are a-Changin de Dylan dans la version par le populaire trio folk.

«Je viens de là, moi. Je viens aussi de Vigneault et Leclerc, mais surtout de Dylan et de Paul Simon, insiste-t-il. Je me suis européanisé, je me suis électronifié, je me suis symphonisé au fil des albums, mais si tu me lâches lousse avec une guitare acoustique, je suis un homme heureux.»

Rivard parle d'ailleurs avec les yeux brillants d'un projet qui lui tient beaucoup à coeur ces temps-ci: une nouvelle guitare que fabrique son luthier et ami Pierre Laporte. Un instrument à son goût à lui. «Ce sera ma dernière guitare», dit-il avec l'air d'un homme qui aborde la dernière ligne droite de sa vie avec sérénité.

Il a une photo du gars qui a taillé le bois de la table d'harmonie de son futur instrument. Il a vu le corps de sa nouvelle guitare. En fait, il suit de près toutes les étapes de sa fabrication. Facile: depuis qu'il est revenu sur le Plateau, son luthier, il est juste à côté.

MICHEL RIVARD

Roi de rien

Spectra Musique/Sélect

En magasin mardi.