À 26 ans, Eldar Djangirov fait désormais partie de l'élite du piano jazz. Voyez sa trajectoire avant qu'il ne devienne une superstar et ne remplisse les plus grandes salles du monde.

Fils d'immigrants russes partis du Kyrgyzstan vers le Missouri lorsque l'Union Soviétique s'est écroulée, il a grandi à Kansas City. Il avait dix ans lorsque sa famille s'y est installée. La famille fut transplantée de nouveau, cette fois à San Diego où l'ado poursuivit des études en musique pour ensuite les compléter à Los Angeles, soit à la Thorn ton School of Music (University of Southern California). Il réside aujourd'hui à New York, capitale du jazz sur cette petite planète.

Eldar Djangirov enregistre depuis 2001, soit depuis l'âge de 14 ans. Il avait commencé à jouer à l'âge de trois ans, son potentiel  immense fut rapidement identifié. Connu des réseaux jazzistiques américains dès la pré-adolescence, il eut tôt fait de se tailler une réputation d'enfant prodige qui aurait pu lui nuire à la longue. Visiblement, ce ne fut pas le cas. Excluant cette pression maladive de parents qui se projettent dans leur progéniture, l'environnement familial fut propice à l'atteinte de sa virtuosité et de son équilibre personnel. Au téléphone, en tout cas, ça s'entend.

«Mon père et ma mère n'avaient pas d'ambitions particulières à mon endroit, assure-t-il d'entrée. Ils voulaient simplement me transmettre leur passion. La musique faisait partie de l'ambiance familiale. Il faut dire que ma mère est professeur de piano, elle est détentrice d'une maîtrise en interprétation. Aujourd'hui, elle enseigne à la Yamaha School of Music de San Diego. Mon père, lui, est docteur en génie mécanique mais il a toujours été mélomane. À l'époque soviétique, il collectionnait des albums de jazz pendant ses voyages professionnels. Et oui, il aurait aimé devenir musicien... La musique est donc un ciment de notre unité familiale.»

Ainsi, la technique de maman et la passion de papa pour le jazz produisirent un mélange explosif pour le surdoué. Et... «Lorsque, tout petit, j'ai entendu Oscar Peterson, ce fut un choc. J'ai alors rêvé de vouloir jouer comme lui, il m'a fasciné pendant très longtemps.» Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il a atteint ses objectifs! Non seulement est-il tributaire de cette haute virtuosité mais encore a-t-il assimilé les contributions des plus grands pianistes issus des générations subséquentes à celle de notre Oscar.

Qui plus est, Djangirov aime jouer la musique classique pour piano; «Mon tout nouvel album solo s'intitule Bach/Brahms/Prokofiev. J'ai toujours voulu enregistrer de la musique classique, d'ailleurs. Depuis longtemps, je fus très inspiré par les albums classiques de Keith Jarrett et de Chick Corea.»

Pour Djangirov, en fait, tant de «choses» peuvent définir un musicien. «Une de ces choses consiste à apprendre le plus de vocabulaire musical possible. À ce titre, toutes les sources sont permises. Au bout du compte, ce vocabulaire finit par rejaillir par ce ce que tu es musicalement et aussi ce que tu finiras par composer, interpréter ou improviser. Voilà pourquoi j'ai beaucoup de mal à distinguer ma composition de mon vocabulaire acquis: les deux sont intimement liés. En tout cas, ce que je veux jouer vient toujours de l'intérieur.»

Ce vendredi, 20h, à la St.George's Anglican Church où se tient le Festival de musique de chambre de Montréal, Eldar Djangirov se produit en solo - soit un an après avoir présenté son trio au même festival. Cette fois, il compte nous éblouir seul, avec des pièces tirées de tous ses albums. Compositions originales mais aussi, possiblement, Gershwin, Corea, Brahms, Prokofiev...

Classique ou jazz, Djangirov? D'abord jazz, mais...

«La réponse est simple, pose-t-il calmement. Les musiciens doivent jouer la musique qu'ils aiment. C'est ce qui importe. La connexion avec le public est aussi très importante. Lorsque mon auditoire est heureux, je le suis également.»