Même si elle ne parle français que depuis cinq ans, la Torontoise Emile-Claire Barlow a pris l'habitude de chanter dans notre langue sur disque et en concert. Elle nous revient avec un album entièrement en français avec l'ambition avouée de faire des chansons qu'elle a empruntées de nouveaux standards.

Emilie-Claire Barlow vend beaucoup plus de disques au Québec que n'importe où ailleurs au Canada. Si elle habite encore à Toronto, dit-elle avec une certaine candeur, c'est qu'elle y fait beaucoup de doublage, notamment dans des émissions pour enfants.

La relation privilégiée entre la chanteuse ontarienne et son public québécois est relativement récente, cimentée par de fréquentes apparitions dans des festivals. Elle a vite pris la bonne habitude d'inclure dans ses disques des chansons françaises ou québécoises, certaines consacrées, d'autres moins connues qui prouvent qu'elle se donne la peine de chercher.

On ne s'étonne donc pas que son récent album Seule ce soir, qu'elle interprétera le 23 novembre à L'Astral, soit entièrement en français et qu'elle y reprenne Petit matin de Sylvain Lelièvre. N'est-ce pas la même dame qui, sur un album précédent, avait emprunté à la grande Pauline Julien Comme je crie, comme je chante écrite par le poète Gilbert Langevin et François Cousineau, dont elle nous propose une nouvelle relecture sur Seule ce soir?

«Petit matin, c'est une histoire, c'est comme un tableau pour moi, explique-t-elle dans sa chambre d'un hôtel du Vieux-Montréal. Le français est très poétique et romantique. C'est l'une des choses que j'adore de cette langue et qui ne se traduit pas toujours en anglais. Il fallait donc que je m'approprie cette chanson et j'en ai fait une valse jazzée pour voir si ça pouvait convenir au texte.»

Au départ, elle voulait faire une compilation des huit chansons francophones déjà parues sur ses albums précédents et en ajouter six autres. Elle a finalement décidé de toutes les réenregistrer. «Comme je crie, comme je chante est très différente de la version sur l'album The Beat Goes On: il n'y a plus de cuivres, uniquement le piano de Julie Lamontagne. Comme je ne compose pas, j'exprime ma créativité en créant de nouveaux arrangements dans l'espoir de faire découvrir quelque chose de différent dans les chansons que je reprends. J'ai enregistré Les yeux ouverts (Dream a Little Dream Of Me) il y a cinq ans, mais je l'ai chantée dans tous mes spectacles pendant ces cinq années. La nouvelle version est très différente de l'originale dans ma façon de la chanter. Aujourd'hui, je suis plus à l'aise avec les mots. Et comme j'ai les mêmes musiciens depuis longtemps, cette cohésion s'entend sur le nouveau disque.»

Redécouvrir l'essence

Dès le départ, sa version abrégée du classique Quand le soleil dit bonjour aux montagnes tient plus de l'hymne que de la ballade country. Elle se fond tout naturellement dans le piano lent qui sert d'intro à Petit matin. «J'ai dépouillé Quand le soleil... de toutes ses couches pour redécouvrir son essence même. C'est une chanson simple, mais tellement bien écrite et je voulais que les mots ressortent. Ce sont deux chansons qui vont bien ensemble et avec lesquelles je devrais amorcer le spectacle.»

Emilie-Claire Barlow reprend également des chansons popularisées par Sylvie Vartan/Michèle Richard, Sting et Ginette Reno dont Les croissants de soleil devient tout à coup une chanson plus langoureuse, quelque part entre la Diana Krall qui tripe musique brésilienne et Burt Bacharach. «J'aime beaucoup la version de Ginette Reno, c'est très puissant, dit-elle. Mais le texte est très romantique et pour moi, il n'y a rien de plus sexy que la bossa-nova. On dirait que les mots appellent ce genre de musique.»

Plus tard, elle ajoute: «Je ne veux pas avoir l'air de m'accorder trop d'importance, mais ça m'excite de garder ces chansons bien en vie et de les présenter à une nouvelle génération, qui va peut-être fouiller un peu et découvrir la version d'origine. Comme dans tous mes disques, j'ai choisi des chansons aux styles très différents que j'ai tissées ensemble pour qu'elles aient une certaine cohésion. J'espère que ça marche», conclut-elle en riant.

Chose certaine, à L'Astral, ses sept musiciens (guitare, basse, batterie, piano, flûte, saxophone et trompette) lui fourniront tous les outils nécessaires pour aller où bon lui semble.

***

POP JAZZ - EMILIE-CLAIRE BARLOW - SEULE CE SOIR - EMPRESS MUSIC GROUP

Emilie-Claire Barlow, à L'Astral, le 23 novembre; au Gesù, le 22 février 2013.