Après la belle aventure des standards du country d'Americana, Roch Voisine a senti le besoin de revenir à l'écriture avec des chansons en français, plus intimes et personnelles. Rencontre avec un chanteur qui maintient le cap.

En mars prochain, Roch Voisine aura 50 ans. Le chanteur n'a pas attendu son anniversaire pour s'offrir du luxe. Il s'est acheté une rutilante voiture sport d'un bleu métallique dont il est assez fier. Après l'entrevue, il a même invité le journaliste de La Presse - qui est aussi féru d'automobiles que Jaques Duval de partys rave - à venir voir son bolide stationné au coin de la rue.

Au bout de deux heures en sa compagnie, la superstar devenait un p'tit gars content de montrer son nouveau jouet à un journaliste. Le «p'tit cul» d'Edmundston au Nouveau-Brunswick qui aime le hockey, la musique et les filles. Et qui joue de la guitare les yeux fermés pour mieux savourer chaque instant de tout ce que la vie lui donne.

«J'ai énormément de chance d'avoir eu un si gros succès dans la vingtaine», dit le chanteur qui a vendu 12 millions d'albums en 26 ans de carrière et fait chavirer autant de coeurs de fans. «C'est aussi rare que de gagner le gros lot. Par contre, j'ai le mérite de la durée. De m'en être sorti sain d'esprit à 50 ans... du moins, je l'espère (rires).»

Rappelons qu'à l'époque d'Hélène, la gloire avait aussi ses revers: «J'ai fêté mes 26 ans seul dans une chambre d'hôtel à Paris avec un bodyguard qui surveillait devant l'entrée. Je venais de donner un concert devant 20 000 personnes à Bercy. On m'a offert un gâteau dans les coulisses. Puis, je suis rentré illico à l'hôtel; il était impensable de célébrer avec des amis au resto ou ailleurs.»

Pouvoir intime

Après avoir revisité des classiques du country folk nord-américain avec les trois volumes d'Americana, Roch Voisine a senti le besoin de revenir à la création avec son nouvel opus, Confidences. Un album résolument intime et personnel qui affiche 10 pièces inspirées de sa vie et de ses proches.

Comme Décembre, qui aborde les hivers de son enfance et le réchauffement climatique. Les p'tits loups, sa ballade du papa divorcé qui impose à ses enfants une famille recomposée. Ou encore Montréal-Québec, chanson dans laquelle il parle de sa relation à distance... Autant dans le sens géographique que temporel du terme: Voisine est amoureux d'une femme beaucoup plus jeune qui fait un doctorat à l'Université Laval.

Roch Voisine a composé la majorité des musiques et des paroles de Confidences, avec la collaboration d'amis acadiens et gaspésiens: Jean-François Breau, Denis Richard, Nelson Minville. «J'ai aussi gardé la même équipe de musiciens d'Americana. Musicalement, c'est un peu la suite: un album country rock francophone. Ce qui est naturel, car je viens de là... Je ne vais pas commencer à faire du jazz!»

Sur la route

Et il y a Le chemin, une chanson-fleuve de 14 minutes (!) qui ressemble à un bilan de mi-carrière. Voisine la qualifie plutôt de «coup de gueule»: «Je l'ai écrite il y a cinq ans, mais j'attendais le bon moment pour la sortir.»

Dans cette chanson, la star règle ses comptes avec le passé autant qu'avec le système et le milieu qui placent les artistes dans des cases et des moules: «On doit suivre des règles et des lois non écrites. Par exemple, je joue un long bridge de guitare électrique. Ce qu'on m'a toujours déconseillé à chaque album. En France, il n'y a que Johnny Hallyday qui peut s'amuser avec la guitare électrique...»

Et pendant que ça déménage avec du gros rock sale au milieu du Chemin, Voisine hurle: «Chuis pas un rocker.» Puis enchaîne: «Y'a des fois où j'aimerais bien/Revenir sur ce long chemin/Un peu moins blanc, un peu moins sain [...] Et dire des choses qui choquent et qui dérangent.»

Par exemple?

«C'est lourd parfois de mener une carrière sur trois ou quatre marchés parallèlement. Au début, j'avais l'impression de changer de personnalité quand je passais de Toronto, à Montréal, à Paris...

«Il faut dire que dans les années 80, les Français étaient moins familiers avec les artistes québécois. J'ai dû faire face aux clichés et m'adapter à leur mentalité. Les gens m'ont reproché de prendre l'accent français. Or, il y a 25 ans, je n'avais pas le choix pour me faire comprendre.»

Le chanteur associe la musique (la sienne et celles des autres) à des moments précieux de sa vie. «J'ai des tounes qui sont soudées dans ma mémoire. Pour moi, une chanson nous ramène à une époque, un souvenir. Or aujourd'hui, les tubes sont de plus en plus éphémères, C'est dommage...»

Et que retient la vedette de son quart de siècle passé sous les projecteurs? «Ce dont je suis le plus fier, dit-il, c'est d'avoir gardé ma capacité de rêver, de m'émerveiller. On me demande souvent ce que je conseille aux jeunes chanteurs qui débutent dans le métier? Arrangez-vous pour avoir du fun à faire de la musique. Et surtout, ne pensez pas aux prix ou aux trophées.»

Du plaisir, Voisine en a eu beaucoup en créant son album. «J'en suis assez fier. Après, si les gens vont l'aimer, s'identifier aux tounes, ça ne m'appartient plus», conclut-il, philosophe.

COUNTRY-ROCK

ROCH VOISINE

CONFIDENCES

RV INTERNATIONAL

EN MAGASIN MARDI

«Eh oui, je la chante encore en spectacle... mais je ne me sens pas obligé d'interpréter Hélène à chaque concert. J'ai fait deux ans de tournée pour Americana en France sans la jouer une seule fois. Et personne ne s'est plaint. Au fil du temps, je me suis amusé à la changer, avec des versions rock, acoustique, etc. À une époque, Hélène faisait de l'ombre aux nouvelles chansons. Plus maintenant.»