Quand Lisa Gerrard a chanté au Théâtre Saint-Denis en mai 2007, deux ans presque jour pour jour après un concert de Dead Can Dance dans la même salle, elle ne croyait plus jamais refaire équipe avec Brendan Perry. Il aura fallu des feux de brousse en Australie pour que le duo retrouve la flamme perdue.

Lisa Gerrard l'avoue aujourd'hui, elle s'était brouillée avec Brendan Perry, l'autre moitié de Dead Can Dance qui a imposé pendant les années 80 un univers éthéré, proche de la musique médiévale comme du world, où les instruments traditionnels cohabitaient avec la technologie. Le duo est reparti en tournée en 2005 après avoir lancé une compilation, mais l'album de chansons originales qu'il devait enregistrer par la suite n'a jamais vu le jour.

Cette panne d'inspiration n'était pas nouvelle. Depuis Chicago, où Dead Can Dance se produisait mardi avant de monter sur la scène du Centre Bell demain, la chanteuse raconte que Perry et elle avaient tenté sans succès d'accoucher d'un nouvel album peu après la sortie de Spiritchaser en 1996. Ils avaient composé de la musique, mais c'était peine perdue: ils ne partageaient plus les sources d'inspiration (histoires, livres, poèmes, rythmes) qui, de tout temps, avaient imprégné leurs compositions.

La tournée de retrouvailles de 2005 a donc été suivie d'une rupture que les associés de toujours croyaient sans appel. «On a eu une sorte de brouille, se souvient Lisa Gerrard. Il y avait quelque chose de malsain dans l'air et certains musiciens du groupe créaient des problèmes. Nous nous sommes donc séparés sans avoir le goût de faire le nouvel album qui était prévu. Et puis, en 2009, Brendan a communiqué avec moi quand il a appris que des feux de brousse ravageaient le sud-est de l'Australie où j'habitais. Nous avons donc recommencé à échanger et grâce à l'internet, nous avons rétabli les ponts. Je suis allée le voir en concert à Los Angeles et quand il a joué des vieux thèmes, ça m'a rappelé combien ces musiques étaient spéciales et importantes.»

Ils étaient tous deux très intimidés quand ils se sont retrouvés au studio de Perry, dans la campagne irlandaise, pour enregistrer Anastasis, leur premier album de chansons originales en 16 ans. «Nous étions inquiets, nous craignions de ne pouvoir achever le travail, reconnaît Lisa Gerrard. Nous avons un passé tous les deux et souvent, les choses peuvent s'envenimer quand nous avons des divergences d'opinions. Quand quelque chose te tient vraiment à coeur, c'est difficile de faire des compromis. Ça brise le coeur. Heureusement, nous sommes passés à travers.»

»Échanger avec le public»

Aujourd'hui, Lisa Gerrard trouve «extrêmement important» d'avoir de nouvelles chansons à proposer aux fans de Dead Can Dance dans leur nouveau spectacle. «Comme pour plusieurs albums qu'on a faits par le passé, 30 ou 40 pour cent des nouvelles pièces se développent quand on les joue sur scène. Et c'est très important pour nous d'échanger avec notre public. Brendan et moi avons investi 30 ans de nos vies dans Dead Can Dance. C'est une odyssée artistique colossale. Et plusieurs personnes avec qui nous avons établi une relation sont encore présentes. Dans le public, on peut voir des personnes qui ont probablement assisté à nos premiers concerts.»

Brendan Perry s'est inspiré de la musique grecque pour composer ses musiques du nouvel album. Comme à l'habitude, il chante en anglais, tandis que Gerrard, qui a construit ses musiques en expérimentant avec les rythmes, s'exprime dans une langue inventée. «Je chante l'expression du coeur humain, des gémissements et des sons qui sont purement émotionnels, explique-t-elle. Mais ce sont aussi des mots, parce qu'il y a un langage inné différent d'une pièce à l'autre. Si ce n'était que des divagations, ça ne communiquerait rien.»

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Dead Can Dance, au Centre Bell, demain à 20h.