Sur la toile, la célèbre plateforme Metacritic a recensé au cours des derniers jours 29 évaluations américaines et britanniques ayant trait à un opus signé Grimes: moyenne de 80%, quatre étoiles si vous préférez. Qu'on aime ou non Visions, il est évident que le buzz hivernal pour cette jeune Montréalaise fait boule de neige.

Méchante boule de neige, qui n'est pas tout à fait le fruit du hasard. En témoigne ce maelstrom de créativité: troisième album solo depuis 2010 (les deux autres étant Geidi Primes et Halfaxa), sans compter Darkbloom qu'elle a créé de concert avec le collègue D'Eon!

Claire Boucher (de son vrai nom) aura 24 ans à la fin mars, et l'on peut affirmer que sa carrière internationale est lancée, bien au-delà de l'impact souterrain. Son passage l'an dernier au festival South By Southwest (SXSW) a été remarqué, son spectacle à Pop Montréal l'a été aussi, on en passe et des meilleures. On imagine que Grimes fera salle comble le 31 mars prochain au Cabaret du Mile-End.

Faisons donc connaissance! Joignons-la sur une route de l'Arizona qu'elle traverse avec son équipe, en direction du Texas.

D'entrée de jeu, on constate que Grimes s'est munie d'un petit brouillard la protégeant de la surenchère. On ne conclut pas à la fausse humilité lorsqu'elle dit de sa petite voix: «Vous savez, je ne prête pas vraiment attention à mon phénomène. Je crois qu'il vaut mieux ne pas le faire. Oui, bien sûr, on m'en parle dans mon entourage, mais je préfère maintenir une distance. Bien sûr, je peux en profiter lorsque c'est positif, mais... Quant à ma progression rapide, ça ne m'inquiète pas. Autour de moi, des gens s'en occupent.»

Anglophone quasi unilingue élevée en Colombie-Britannique, Claire Boucher a grandi en anglais malgré ses origines partiellement francophones: «Ma mère est mi-française mi-italienne, mon père est ukrainien et métis, il a aussi de lointaines origines québécoises.» Claire Boucher s'est installée à Montréal à l'automne 2006, afin d'y poursuivre des études à l'université McGill, qu'elle a abandonnées pour plonger tête première dans une vie de création.

Pourquoi avoir choisi de rester à Montréal? Pour des raisons similaires à tous les artistes anglos qui y migrent. «Je m'y suis accroché les pieds! Un jour, Sean Nicholas Savage m'a demandé d'être choriste et puis... De fil en aiguille, j'ai commencé à créer mes propres trucs. Et, de toute évidence, le milieu de la musique montréalaise m'est apparu très stimulant. On a tôt fait d'y jouer lorsqu'on s'y met. Et puis, tous mes amis vivent à Montréal. J'y aime le style de vie. Eh oui, je ne parle qu'un petit peu le français... Tous mes amis francophones, il faut dire, s'adressent à moi en anglais.»

Si Grimes n'a pas de formation scolaire en musique, on lui reconnaît un puissant instinct de compositeur/réalisateur qu'elle ne cesse d'alimenter.

«J'étais une non-musicienne puisque je n'ai reçu aucune éducation en ce sens. Je le suis devenue en compensant par l'imagination et l'instrumentation électronique - j'ai eu tôt fait de m'intéresser aux bidules, échantillonneurs, claviers, pédales, filtres. La partie amusante! Ce contexte de création me donne l'avantage de n'être prisonnière d'aucun critère, de n'évoluer à l'intérieur d'aucune frontière.»

Grimes préfère travailler seule en studio: «Je le fais avec des pédales, des machines et claviers. Je n'aime pas travailler avec d'autres lorsque j'enregistre et je ne compte toujours pas le faire, car je veux avoir le sentiment de pouvoir jouer seule ma musique avant de m'impliquer avec d'autres musiciens.»

Ainsi, Sebastian Cowan, propriétaire du label Arbutus, collabore au mix et au matriçage de ses albums, et trois musiciens l'accompagnent actuellement sur scène - Cecil Frena, Calvin McElroy, etc... «Chacun d'entre nous filtre la voix et travaille avec machines et claviers. Sur scène, nous visons une relation symbiotique.»

Assistons-nous au début d'une carrière exceptionnelle? Nul ne peut le prévoir, mais... des signes probants nous portent à le croire. Certaines réponses aussi: «Si je suis en phase naïve? Non, je ne crois pas. Chaque étape de mon travail est pensée et soupesée. Je ne fais rien sans comprendre exactement ce que j'accomplis. Si je ne connais pas, j'essaie de très bien connaître avant de procéder. Non, je ne crois pas que l'ignorance apporte de la magie à la création.»

Grimes se produira le samedi 31 mars au Cabaret du Mile End.

Visions, Grimes. Arbutus Records.