Grand voyageur devant l'Éternel, Yeshe a craqué pour le Québec et son public qu'il retrouvera à l'Astral le 10 février. Rencontre avec un musicien du monde qui ne jure que par le groove.

Le GPS ne fait pas foi de tout. Le percussionniste Yeshe Reiners peut en témoigner, lui qui a failli se retrouver à Toronto plutôt qu'au centre-ville de Montréal après avoir atterri à Trudeau mercredi soir.

Cet Australien d'adoption aurait dû se fier à son pif. Les voyages, il connaît ça, le monsieur. Né en Allemagne, il a multiplié les séjours en Afrique dès l'âge de 16 ans. Encouragé par son prof ghanéen et grand ambassadeur de la musique africaine en Allemagne, le percussionniste Mustapha Tettey Addy, Yeshe a visité le Sénégal, la Côte d'Ivoire, le Togo et le Ghana où il a fait partie de l'ensemble de percussionnistes de son mentor.

«Enfant, j'écoutais la musique que faisait jouer mon frère: la soul, James Brown, Otis Redding, mais aussi le reggae et Bob Marley, raconte Yeshe, rencontré dans un hôtel du centre-ville. La musique pour moi, c'est bien sûr la mélodie, mais l'élément le plus important est le groove.» Sa passion du groove l'a également mené à Cuba et au Japon où il a passé cinq ans, notamment dans l'île de Sado avec les percussionnistes de la communauté Kodo.

Yeshe a découvert le Québec en 2006 au moment où il jouait dans le groupe de Harry Manx, un autre troubadour des temps modernes qui a la bougeotte. Ces deux-là avaient fait connaissance en Suisse en 1980 lorsqu'ils étaient musiciens de rue. «Nous avons un lien très fort depuis le début. J'ai joué en trio avec Harry et son frère, nous avons voyagé en Europe et en Israël. Je l'ai même revu au Japon où il arrivait au moment où je partais. Nous avons toujours gardé le contact, même avant l'internet.»

Manx a aidé Yeshe à réaliser son premier album, World Citizen, et il joue sur son petit dernier, le très bon Roots&Wings, paru chez nous à l'été 2011. Quand nous l'avons quitté jeudi midi, Yeshe s'en allait retrouver son ami Harry à Belleville, en Ontario. Les deux hommes donneront des concerts ensemble en Australie en mai et juin et ils caressent l'idée d'un spectacle avec un joueur de tablas indien qui ferait la tournée des festivals au Canada.

Jean Batailleur, version world

Comme Manx, Yeshe a le don de dénicher des compagnons de route au moment où il s'y attend le moins. Comme le violoniste australien Cye Wood, dont il a fait la connaissance aux abords de la scène dans un festival en Australie et qui ne le quitte plus depuis. À l'Astral vendredi, Yeshe et Wood seront accompagnés d'une section rythmique toute québécoise: le bassiste Frédéric Boudreault et le batteur Alexis Martin.

Ils vont sûrement jouer La ballade de Jean Batailleur de Zachary Richard. Yeshe a eu le coup de foudre pour cette chanson dès la première fois qu'il l'a entendue à la radio montréalaise en 2006. Le hasard a voulu qu'il la retrouve sur une compil faite par son professeur de français australien. «Au début, je comprenais juste quelques mots, mais j'étais pris par le feeling, l'émotion et la musique de cette chanson.»

Sur Roots&Wings, Yeshe en a fait une version originale où il s'accompagne à la mbira, un piano à pouces africain dont il est devenu un spécialiste. On y entend également la mohan veena - une guitare indienne - de son ami Manx et un instrument vietnamien. «Je n'ai jamais rencontré Zachary Richard, mais on s'est échangé des courriels, précise Yeshe. Il y a quelques mois, il m'a écrit que c'était son interprétation préférée de Jean Batailleur. C'est énorme pour moi!»

En plus de chanter ses propres compositions en anglais et des chansons africaines, Yeshe ose également s'attaquer à des standards comme No Woman, No Cry de Bob Marley et Summertime de Gershwin qu'il redessine à sa façon. «Quand je reprends une chanson, je ne la fais jamais comme l'originale, je trouve un angle différent, explique-t-il. J'ai découvert Summertime quand j'étais petit garçon et elle n'a plus la même signification pour moi maintenant que j'ai des enfants.»

Yeshe, à l'Astral, le 10 février à 20h.