Quatorze ans après son dernier passage à Montréal, Sylvie Vartan montera le 25 juillet sur la scène de «notre» Olympia. Elle a reçu La Presse chez elle, à Los Angeles, où elle a entre autres évoqué ce spectacle, présenté à «l'autre» Olympia, celui de Paris, en 1964, devenu culte depuis. Sur l'affiche se trouvaient aussi l'Américain Trini Lopez... et quatre garçons dans le vent venus d'Angleterre.

Les propriétés plantées de part et d'autre de la rue impressionnent, même selon les critères de Beverly Hills. Un havre d'opulence. La maison, la sienne, est nichée derrière portails et haies. Une fois les barrières franchies, les murs de pierre s'étirent paresseusement, percés de fenêtres et habillés de plantes grimpantes. La fontaine s'élève au centre de la pelouse et glougloute une manière de «bienvenue» cristalline.

La grande Jane Russell a autrefois habité en ces lieux. Sylvie Vartan, icône française des années yéyé, celle qui a «initié» l'Hexagone aux grands spectacles à l'américaine avec danseurs et costumes, «la plus belle pour aller danser» même si vêtue «comme un garçon», a acheté la propriété en 1984 et s'y est mariée avec le producteur américain Tony Scotti.

C'est là, dans un jardin où se trouve l'obligatoire piscine du Sud californien et un olivier qui lui rappelle le midi de la France, qu'elle a reçu La Presse. Un rare privilège. Elle revenait tout juste de son autre maison, à Paris. Un pied sur chaque continent, le vieux et le nouveau? «Pas vraiment, fait-elle de cette voix basse reconnaissable entre toutes. Paris et Los Angeles sont mes destinations principales, mais je me déplace beaucoup.» Beaucoup, et ailleurs. L'immobilité l'angoisse. «Autant j'aspire à être tranquille, surtout quand je suis ici - vous savez, Los Angeles, c'est assez lénifiant comme environnement - autant je ne conçois pas rester trop longtemps au même endroit.»

Elle croit, elle sait, que cela vient de l'enfance. Du déracinement douloureux, à 13 ans tout juste, quand ses parents et elle ont dû quitter la Bulgarie. Direction Paris. Adaptation difficile. La cicatrice est restée. «Je ne regarde jamais en arrière, sauf pour la Bulgarie, mes parents, l'enfance. C'est un point douloureux, mélancolique, mais en même temps très beau. C'est la seule nostalgie que j'ai en moi», dit-elle, malgré le succès fulgurant, la carrière phénoménale. Carrière qui, d'ailleurs, ne l'a pas aidée à prendre racine: «Ce métier que j'ai commencé très jeune, à 16 ans, m'a structurée différemment, m'a amenée dans le monde entier. C'était tout le temps des départs et des arrivées, des valises et des hôtels. J'ai pris le pli. Je ne peux concevoir la vie autrement.»

Peut-être est-ce pour cela, pense-t-elle, qu'elle continue. Les tournées, les disques, la carrière. Depuis 50 ans cette année, elle chante, elle enregistre des disques, elle monte sur scène. Cinquante ans. Et aucune intention d'arrêter. «C'est un métier merveilleux, qui me fait encore rêver, que j'aime toujours autant et que j'ai la chance de pouvoir faire.» Un métier qui la met en prise avec les émotions de l'enfance. Elle aime pouvoir ainsi se brancher sur «une certaine ingénuité et fraîcheur des sentiments». Et elle n'a jamais été rassasiée du «contact enrichissant» avec le public.

Un contact plus profond, car il est direct, quand il se fait lors des tours de chant qu'elle privilégie ces derniers temps: elle, sur scène, avec quelques musiciens. C'est ce que l'on verra à Montréal. Où elle offrira de nouvelles chansons (des extraits, entre autres, de Soleil bleu, son nouveau disque, qui sera en vente au Québec à partir de mardi, pour lequel elle s'est entourée de Keren Ann, Étienne Daho, La Grande Sophie, Arthur H, son fils David Hallyday...); de même que les incontournables La plus belle pour aller danser, Comme un garçon, La Maritza, etc.

Vartan et les Beatles

Par une étrange coïncidence, le lendemain de son passage à Montréal, la métropole accueillera Sir Paul McCartney. Qu'elle a côtoyé au début de l'année 1964. Le légendaire Bruno Cocatrix avait eu une idée. Faire monter sur la scène de «son» Olympia, les chanteurs du moment, ceux qui faisaient craquer les jeunes en France, en Amérique et en Angleterre. Sylvie Vartan s'imposait pour l'Hexagone. Aux États-Unis, Trini Lopez cartonnait avec If I Had a Hammer. Et de l'autre côté de la Manche, les Beatles suscitaient les passions.

«Je passais avant les Beatles, qui n'étaient pas encore très connus en France, mais après Trini. On a donné le spectacle pendant trois semaines. On n'avait aucune idée que ça deviendrait un événement culte», se souvient l'interprète qui a ainsi fréquenté les quatre garçons dans le vent dans les coulisses de l'Olympia et dans quelques bars où ils se retrouvaient tous de temps en temps, une fois le rideau tombé.

«Il y avait tous ces gens qui nous demandaient de prendre des photos ensemble, on en avait assez!, rigole celle qui, semble-t-il, est tombée dans l'oeil de Paul McCartney: «C'est ce qu'on m'a dit, mais je ne me suis rendu compte de rien, je regardais ailleurs.» En direction de Johnny Hallyday. «On était en plein dedans, lui et moi, la passion dévorante...» Bref, l'ami Paul, même si elle le trouvait «mignon», ne faisait pas le poids.

En plus, le penchant «anglo» de la demoiselle la faisait davantage regarder du côté des États-Unis que de celui de l'Angleterre: cette manière flamboyante d'occuper la scène avec danseurs, chorégraphies, changements de costumes, la faisait tant rêver qu'elle l'a importée en France. Pour cela, elle a passé pas mal de temps à New York. «C'est là que j'ai appris à danser, avec un chorégraphe qui travaillait sur Broadway. J'ai répété mon premier grand spectacle avec lui... et ç'a été la folie: je me suis passionnée pour ce genre de productions pendant 30 ans.»

Mais de plus en plus, les chorégraphes qui l'intéressaient vivaient à Los Angeles - entre autres à cause de sa proximité avec Las Vegas, où ils étaient en demande. Elle s'est donc dirigée vers la Cité des Anges. Ça n'a pas été le coup de foudre: «Après New York, la ville m'a paru mortelle! Mais tranquillement, je me suis habituée et quand j'ai voulu m'éloigner de la France, c'est ici que je me suis installée. Il y avait, pour mon fils David et moi, une douceur de vivre, un anonymat que nous n'avions pas à Paris.»

Aujourd'hui, la maison de Beverly Hills se prête à cela. La douceur de vivre. L'anonymat parmi les autres «noms». La pause, avant de reprendre la route et monter sur ces scènes où elle sera pour toujours «la plus belle pour aller danser».

Sylvie Vartan: le 25 juillet à l'Olympia de Montréal

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En quelques chiffres

> A enregistré 63 disques pour un total de plus de 1200 chansons

> A vendu plus de 40 millions de disques

> A vendu 1,5 million d'exemplaires de La plus belle pour aller danser

> A donné quelque 2500 spectacles

> A fait plus de 2000 couvertures de magazines, devançant ainsi Catherine Deneuve et Brigitte Bardot

En quelques dates

> 15 août 1944: naissance à Iskrets (Bulgarie)

> 1950: première expérience au cinéma, dans un film bulgare

> Décembre 1952: arrivée à Paris

> 16 janvier-4 février 1964: spectacle à l'Olympia de Paris, avec les Beatles et Trini Lopez

> 12 avril 1965: mariage avec Johnny Hallyday

> 14 août 1966: naissance de son fils, David

> Novembre 1980: divorce d'avec Johnny Hallyday

> 2 juin 1984: mariage avec le producteur américain Tony Scotti

> 1997: adoption de Darina, une petite orpheline bulgare