Ian Kelly a toujours eu un faible pour les chansons d'amour sombres et les charges dénonciatrices. Pourtant son troisième album, le très beau Diamonds & Plastic, compte sa juste part de chansons souriantes et ensoleillées. Explications.

Dans Happiness, une nouvelle chanson douce où il dit essentiellement qu'il suffit de bien regarder pour voir la beauté qui nous entoure, Ian Kelly résume un peu le léger virage qu'il a opéré sur son nouvel album. Les préoccupations habituelles de l'artiste québécois (écologie, militarisme, suprématie de l'économie) y sont encore présentes, mais il y a dans ce disque un humour, une tendresse et une dose salutaire d'autodérision qui en font un tout mieux équilibré.

«La grande différence par rapport à mon album précédent, Speak Your Mind, c'est que je me suis arrangé pour que ça soit agréable de faire un disque alors qu'auparavant je ne profitais pas de l'instant présent, je ne pensais qu'au résultat final, explique Kelly. On va engager cinq musiciens et deux techniciens, je ne vais probablement pas faire trop d'argent, mais je vais avoir du fun en tabarnouche!»

Diamonds & Plastic est plus pop, plus rythmé et plus varié, mais encore plus riche et ambitieux que ses deux albums précédents. «C'est important de varier, explique Kelly. J'ai travaillé comme sonorisateur au Spectrum où il y avait beaucoup de shows de punk rock. C'était très efficace pendant deux ou trois tounes, mais ça s'essoufflait par la suite parce qu'on s'était habitué à ce tempo rapide. Je m'ennuie vite quand j'écoute de la musique. Récemment, j'ai écouté King Crimson et Emerson, Lake and Palmer, du rock progressif. J'aime ça quand il y a du mouvement. Évidemment, moi je fais de la musique plus pop, mais je trouve que c'est un beau challenge de faire une musique pop intéressante.»

Kelly n'a pas chômé depuis la parution de Speak Your Mind dont il a quand même écoulé plus de 40 000 exemplaires. Il s'est produit plusieurs fois à Montréal et il a chanté un peu partout au Québec et au Canada ainsi qu'à Paris et en Belgique. Il a tout de même trouvé le temps d'enregistrer 24 chansons dont 13 se retrouvent sur ce nouvel album.

Pas très optimiste

L'autre jour, en écoutant son disque, Kelly s'est demandé si la quatrième chanson, Your Garden, qu'il trouve un peu sombre, n'arrivait pas un peu trop vite. Pourtant, quand on lui demande quelles sont ses nouvelles chansons préférées, il mentionne justement Your Garden ainsi que At All Costs et The Industrial Way, des chansons sociales au propos pas du tout hop-la-vie. «Peut-être, encore une fois, que les plus sombres sont mes préférées», constate-t-il.

L'homme de 32 ans, papa de deux jeunes enfants, n'est pas très optimiste quant à l'avenir de l'humanité. Il a lu plusieurs ouvrages et vu des documentaires qui traitent d'environnement et d'alimentation industrielle, histoire de se renseigner sur des sujets dont il parlait déjà dans ses chansons. «L'été dernier, j'ai commencé à regarder Food, Inc. avec ma blonde et elle est allée se coucher. C'est alors que je me suis dit: c'est assez, j'ai déjà de la misère à absorber toute l'information, il faut que je prenne un break. Je n'ai pas du tout l'intention de faire la morale aux autres et je ne prétends pas détenir la vérité. Ultimement, je fais de la musique pour me sentir bien et pour la partager avec un public qui se sente bien. Mais parfois, il y a des drames qui nous font pleurer puis on se sent bien après.»

Né de mère anglophone et de père francophone, Kelly a grandi à Montréal où il a fréquenté l'école française. Il vit aujourd'hui à Morin Heights où il a loué le chalet voisin pour héberger ses musiciens qui, pour la première fois, ont pu jouer ensemble lors de l'enregistrement de son album. Sur Speak Your Mind, il y avait une chanson en français et une autre bilingue. Pas cette fois.

«Je trouve qu'une chanson d'amour, avec le même texte ou presque, passe mieux en anglais qu'en français, mon oreille est habituée à ça, dit-il. De toute façon, je parle l'anglais couramment, mais je ne tiens pas compte des mots quand j'écoute de la musique. Les chanteurs que j'ai beaucoup aimés, comme Eddie Vedder et Dave Matthews, sont souvent des marmonneurs, on ne comprend rien de ce qu'ils chantent. Sur l'album, je reprends White Wedding. Est-ce qu'on sait vraiment de quoi ça parle, cette toune-là?»

Il y a un monde entre Ian Kelly et Billy Idol, le punk extraterrestre des années 80 ; pourtant, cette nouvelle version de White Wedding est très réussie. «Je l'avais déjà au moment d'enregistrer Speak Your Mind, mais je n'étais pas assez connu pour faire un cover. Je sais comment sont les compagnies de disques: on sort le cover, ça va nous aider à la radio. White Wedding est à la fin du disque, je ne voulais pas la mettre en troisième et qu'on en parle dans les communiqués. Je l'ai fait entendre à mon band, ils la trouvent cool eux aussi. On ne l'a jamais jouée en spectacle, mais je pense qu'on va le faire.»

Ian Kelly entreprendra en septembre une nouvelle tournée avec quatre musiciens qui s'arrêtera un peu partout au Québec.