Au cours du dernier mois, John Wetton a joué avec deux supergroupes des années 70 et 80 dont il a été un membre fondateur: UK, dont Eddie Jobson est le seul autre membre originel, et l'Asia d'origine qui s'amène ce soir au Métropolis. Conversation avec un survivant.

John Wetton est au téléphone quelque part au New Jersey. Il raconte que, la veille, Asia a joué dans une taverne et qu'il a fait remarquer au public que la chanson Holy War, extraite du dernier album du groupe, Omega, est un peu plus d'actualité depuis la mort d'Oussama ben Laden.

«Mais nous ne sommes que des pacifistes ordinaires», dit le bassiste et chanteur, comme s'il voulait encore se démarquer des prétentions du rock progressif que les gars d'Asia ont délaissé au début des années 80 pour faire des chansons pop-rock qui faisaient bon ménage avec les vidéoclips.

Wetton dit d'Asia qu'il fait du rock mélodique plutôt que progressif. Il attribue ce changement à sa rencontre avec Geoff Downes, claviériste d'Asia, au début des années 80. «Il fallait qu'on change, on n'aurait pas pu faire la même musique qu'avec King Crimson, ELP ou Yes parce qu'on nous aurait vraiment perçus comme des dinosaures. Ça ne s'est pas fait consciemment, c'est juste que nous nous sommes mis à écrire tout naturellement des chansons plus courtes et plus punchées que les pièces épiques de 15 minutes de nos prédécesseurs. Nous avons condensé ce que nous faisions avec nos groupes prog dans un format pop-rock plus accessible. On n'aurait jamais eu le même impact sans les deux simples (Heat of the Moment et Only Time Will Tell) de notre premier album.» (NDLR: L'album Asia a été le plus vendu, toutes catégories confondues, aux États-Unis en 1982.)

Des casquettes différentes

En plus d'Asia et UK, Wetton forme le duo Icon avec son pote Downes et il mène à l'occasion une carrière solo. Le guitariste d'Asia, Steve Howe, est toujours un pilier de Yes, avec qui il jouera également à l'occasion d'un programme double Yes/Asia au Mexique à la fin du mois. Geoff Downes va lui aussi renouer avec Yes cet été et le batteur d'Asia, Carl Palmer, qu'on a vu avec son groupe au Gesù l'automne dernier, retrouve à l'occasion ses vieux compagnons de route Keith Emerson et Greg Lake.

«On porte tout simplement des casquettes différentes, explique Wetton, qui a également fait partie de King Crimson et de Roxy Music dans les années 70. Mais nous considérons tous Asia comme notre vaisseau amiral. Tout ce que nous faisons d'autre est un à-côté. Quand nous regagnons le vaisseau amiral, les retrouvailles sont joyeuses.»

Il y a quelques années, Wetton a réglé un problème d'alcool qui le minait depuis toujours et qui avait même forcé les autres membres d'Asia à le remplacer par Greg Lake pour une tournée dans les années 80. Sans compter qu'en 2007, peu après avoir réuni l'Asia classique pour la première fois en près d'un quart de siècle, Wetton a dû subir une opération à coeur ouvert.

«Si mon problème cardiaque s'était manifesté alors que je buvais encore, je serais mort, croit-il. Aujourd'hui, mon médecin m'encourage à être le plus actif possible, dans les limites du raisonnable. Il me dit que, s'il m'a opéré, ce n'est pas pour que je joue au golf, mais pour que je puisse vivre ma vie et pratiquer mon métier normalement.»

En spectacle, les musiciens d'Asia se permettent davantage les envolées individuelles qu'attendent leurs fans de la première époque. «Sauf moi, précise Wetton. Pour ajouter à mes problèmes de santé, je souffre du syndrome du canal carpien qui handicape ma main droite et je dois donc jouer des partitions de basse très simples. Je mise donc plus sur ma voix que sur mon talent de bassiste. Mais l'important, c'est que, maintenant que nous avons tous 60 ans, nous jouons vraiment bien en groupe, beaucoup mieux qu'en 1982-1983. On a gagné en maturité.»

Asia, au Métropolis, ce soir, 20h.