L'air de rien, sans grosse machine de promotion, David Jalbert a vendu plus de 15 000 exemplaires de son album Des histoires, tourné beaucoup à la radio avec sa chanson Souvenirs d'enfance et affiché complet dans la grande majorité des 60 spectacles qu'il a donnés l'an dernier. Toutes choses qui l'ont mené à écrire son deuxième album, Le journal, inspiré tant de la disparition de Julie Surprenant que de l'alcool, des CPE que des «vieux chums «.

David Jalbert est intense. Intense! Cela ne fait pas dix minutes qu'il est devant moi qu'il a déjà mentionné ses trois jeunes enfants, ses études terminées en deuxième secondaire, son hypocondrie qu'il traite sans médicament, ses années d'alcoolisme précoce (coma à 12 ans), sa reconnaissance pour Mario Pelchat qui, un soir, lui a parlé pendant des heures au téléphone pour l'encourager, son amour des mots qui le pousse à toujours peaufiner ses textes, ses influences parmi lesquelles figure Francis Cabrel («il est capable d'écrire à tous les pronoms personnels, comment il fait?), ses reprises de Plume et d'Isabelle Boulay pendant ses spectacles, ses attaques de panique, son grand amour pour sa mère et sa blonde avec qui il vit depuis sept ans, la vidéo que Maxime Landry lui a montrée dans laquelle le gagnant de Star Académie chante Souvenirs d'enfance en karaoké...

 

Devant à peu près n'importe qui d'autre, on serait à tout le moins désarçonné. Pas devant David Jalbert. Manifestement, le jeune homme de 30 ans n'a rien à cacher, assume tout et se survit à lui-même et à ses démons grâce à la musique. Ce parti pris pour l'intégrité, la transparence et une certaine façon de ne jamais renier d'où il vient, il traverse tout son album, Le journal. À commencer par la première chanson, qui donne son titre au disque et qui, sur un rythme up tempo, parle des mauvaises nouvelles qui inondent les médias - la référence à Julie Surprenant est dans la phrase «Demain, un autre enfant qui disparaît/Est-ce un coup du destin qui roupille sur nos jours»: «C'est vrai que ça commence rough, reconnaît David Jalbert avec un beau sourire, mais c'est une façon de dire qu'à force de lire les mauvaises nouvelles, on va finir par en faire partie, vaut peut-être mieux réagir que de céder à la panique.»

La panique, il a connu, et il a décidé de réagir, de se prendre en main et de travailler fort: «Quand on est artiste, on est applaudi chaque soir, on est des héros pour du monde qui souvent sont de meilleures personnes que nous. Je pense que le moins que je puisse faire, c'est de travailler pour être à la hauteur: prendre des cours de chant, rehausser mon jeu à la guitare, peaufiner mon écriture. C'est pour ça que j'ai utilisé des mots plus français sur mon deuxième disque (crécher, oseille, pieu...), travaillé ma prononciation, tout en gardant ma touche québécoise, fièrement - je serai toujours le gars qui vient du Lac Samson, on est les irréductibles Gaulois de Mascouche! Mais il faut que tu t'améliores tout le temps, sinon ça n'a pas de sens.»

Il a donc travaillé: sur son deuxième album et sur lui-même. Certaines des chansons de ce deuxième opus (Voyage, Envoye-donc, CPE, No problemo, Les vrais chums, L'abus...) étaient déjà écrites au moment de la sortie du premier album, mais il les a retravaillées, poussées plus loin... «J'ai demandé à Claude Champagne (le réalisateur) que l'album ait un son plus sud des États-Unis, plus CCR, plus John Mellencamp, peut-être parce que j'apprends tranquillement à aimer ma voix - qu'est-ce tu veux, elle est rauque. J'essaie pas de défendre ma voix, remarque, j'essaie plutôt de défendre mes chansons, du mieux que je peux. On a enregistré les chansons live en studio, tous en même temps, avec mes musiciens de scène et John McGale (ex-Offenbach) qui s'est ajouté, et ça me fait vraiment plaisir. Je pense que ça donne un super disque d'auto, fait pour voyager.»

Un disque fait aussi pour parler des enfants qu'on parque dans les garderies (CPE); d'un de ses trois enfants à lui, Félix, à qui est dédié P'tit homme (illustrée d'ailleurs par un dessin de Félix); des amis de longue date (Les vrais chums); de toutes les raisons invoquées par les filles pour ne pas faire l'amour (rigolote Envoye-donc); de la petite vie et de la petite misère dans Notre histoire: «Tu sais, je réponds personnellement à tous mes courriels, et j'en reçois beaucoup, mais moi aussi, j'ai travaillé dans une shop à matelas, à 10$ de l'heure avec deux enfants et une hernie discale, je le sais que c'est pas facile. Mais j'ai une foi profonde, la conviction qu'on peut passer à travers tout, j'en suis la preuve vivante.» Et chantante.