Dans toute vie, il y a ce qu'on appelle des années de transition. Steve Veilleux, principal auteur-compositeur-interprète du groupe Kaïn, vient d'en vivre une : après cinq ans de tournée quasi ininterrompue et trois albums avec Kaïn, il a passé le cap de la trentaine, eu un deuxième enfant et pris le temps de s'interroger. Puis d'écrire et de composer un album solo surprenant à plus d'un titre: Les souvenirs ne meurent jamais.

Oui, surprenants, ces Souvenirs ne meurent jamais. Réalisé et arrangé avec maestria par Éric «Monsieur Mono» Goulet (réalisateur de Vincent Vallières, Yann Perreau, WD-40, etc.), l'album plonge loin dans certaines peines et peurs de Steve Veilleux. Non, le natif de Drummondville n'a pas viré «homme rose» ou changé du tout au tout. C'est juste qu'il a eu le temps de souffler un peu, après la vie de tournée incessante (et joyeuse) avec Kaïn, et que certaines choses en ont profité pour lui sauter au visage.

 

«Le mandat de Kaïn, c'est d'être festif, rassembleur, et c'est très important que ce soit comme ça, explique Steve Veilleux, repoussant toute rumeur de séparation (le groupe sera d'ailleurs en spectacle cet été dans les festivals). Mais il y a deux ans, pendant un arrêt de tournée justement, j'ai pris conscience de certaines choses, par exemple de ce que je faisais vivre à mes proches, et j'ai écrit la chanson S'inventer des histoires, peut-être pour apaiser ma conscience ou pour servir de baume à ma famille (l'album est d'ailleurs dédié à sa blonde et à ses deux enfants)... «

«C'est à partir de cette chanson-là, très personnelle et qui ne pouvait vraiment pas être chantée par Kaïn, que je me suis dit que j'allais faire, à un moment donné, un album solo.»

Les autres membres du quatuor rock n'ont donc pas été pris par surprise quand leur copain Steve leur a dit qu'il voulait travailler à des chansons pour lui, jouer avec d'autres musiciens, bref, sortir de la proverbiale «zone de confort». Déjà, en 2006, il avait écrit des chansons pour la chanteuse Marie-Luce Béland (avec qui il fait actuellement une tournée acoustique, en trio). Quand la tournée avec Kaïn a cessé, en août 2009, France D'Amour l'a appelé pour enregistrer un duo avec lui (Pourrons-nous jamais être amis). Ensuite, Marjo l'a appelé pour en faire un de ses «hommes» et il a gravé en duo avec elle La lune de novembre (qu'ils ont tous deux interprétée au Centre Bell il y a quelques jours).

À l'école d'Éric Goulet

Mais disons que c'est la collaboration avec le guitariste et réalisateur Éric Goulet qui a sérieusement brassé la cabane: «J'avais enregistré toutes mes chansons guitare-voix. J'étais terrifié à l'idée de les chanter à Éric, mais bon, il me demande de les lui jouer une après l'autre, il écoute attentivement et il me dit: «Avant qu'on prenne ne serait-ce qu'une guitare, on va entrer dans les textes jusqu'à ce que ça fasse mal.» Il m'a fait défaire des métaphores en me disant qu'il ne fallait pas rendre ça beau, mais rendre ça vrai. Il m'a proposé des arrangements auxquels je n'aurais jamais pensé et m'a demandé parfois de baisser ma voix d'une tonalité.»

Également aux guitares et aux claviers, Goulet a fait appel à certains de ses amis et musiciens, et c'était parti: «Dans une chanson comme Dire non, qui est vraiment une chanson sur ma constante peur de décevoir, mon premier réflexe, c'était qu'on mette des guitares électriques bien fortes. Éric m'a plutôt proposé d'avoir la même puissance, mais avec un piano et des guitares acoustiques. Et ça marche. Disons que c'est un peu comme si j'étais allé à l'école et que j'avais eu un des meilleurs profs.»

Courage et humilité, donc, pour l'ami Steve, qui a décidé de parler d'amis qui grugent l'énergie, d'amours mortes, d'hypocondrie, du divorce extrêmement douloureux de ses parents quand il était adolescent, de son père ouvrier... En fait, entre ses textes solo et ceux qu'il a écrits par le passé pour Kaïn, il n'y a qu'un seul sujet commun: le temps qui passe. Le titre de son album solo comme la pochette et même l'image imprimée à même le CD font tous référence au temps, aux souvenirs.

«C'est vrai qu'il y a toujours quelque chose de nostalgique dans ce que j'écris, convient le chanteur de 31 ans. Et pourtant, vieillir est la meilleure chose qui m'arrive! J'accepte plus ce que je suis, je commence à être capable de faire de mes défauts des alliés... L'idée, finalement, ce n'est pas de vivre dans le passé, mais d'être enfin capable de vivre avec le passé.»

ROCK

STEVE VEILLEUX

LES SOUVENIRS NE MEURENT...

PASSEPORT/DEP

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