Il a la gueule de Marlon Brando dans Un tramway nommé Désir, avec ses cheveux ondulés bien placés et son look fifties. La chemise soigneusement déboutonnée, les manches relevées laissant voir un tatouage, l'Australien de 27 ans, protégé du DJ et réalisateur Mark Ronson, raconte candidement son ascension cahoteuse de petit bum jusqu'à star r&b pop.

Il y a des signes qui ne trompent pas, surtout en ces temps d'austérité économique et de crise du disque. Lorsqu'une major décide l'organiser une coûteuse soirée privée dans un des hôtels les plus en vogue de la métropole pour présenter aux médias et aux invités un chanteur qu'on connaît à peine, c'est qu'on croît miser sur le bon cheval.

 

«That's awesome! s'exclame Merriweather, débonnaire. C'est très flatteur de savoir qu'un tas de gens puissent s'imaginer que ma carrière va décoller et tout le truc. Mais honnêtement, c'est le genre de chose à laquelle je ne veux pas penser. Je reconnais que le climat financier est difficile pour les maisons de disques, alors lorsque Sony décide d'investir beaucoup d'argent et d'énergie sur ma musique, sur la vision que j'ai de mon métier, je prends ça comme un compliment énorme. De mon côté, je ne pense qu'à faire le meilleur album possible.»

Celui-ci s'intitule Love&War, paru en Grande-Bretagne au début de l'été et diffusé là-bas (ici, ça commence) grâce aux accrocheurs singles Change et Red. Il s'agit du second disque du gaillard, mais le premier à lui permettre de rêver au sommet des palmarès. De la pop, sans l'ombre d'un doute, aux accents de r&b classique - des riffs de guitares tout simples, de belles lignes de vieux piano droit, des ponctions de cuivres rétro bien senties - sur laquelle vogue la voix franche et typée du chanteur. Pas un stentor, Daniel, loin d'être un Al Green (quoiqu'il le voudrait bien) ou un Sam Thomas, mais une voix qui a de la personnalité.

Ça s'entend, ça se sent. Tout jeune, du vécu déjà, qu'il met à profit dans ses interprétations - ça compense pour le manque de lustre de sa voix. Il est parti de loin, Daniel, c'est le cas de le dire. «Des collines Dandenong, près de Melbourne», là-bas tout au sud. «Oh! l'hiver aussi, il fait froid, mais pas autant qu'au Canada. J'ai de la famille qui vient d'Edmonton, mais je n'ai jamais eu l'occasion de les visiter...»

Ayant grandi dans une famille de la classe moyenne, papa et maman profs, ça ne l'a pas empêché de devenir un décrocheur, «drop out, à 17 ans», comme il dit. «Je me suis vraiment mis dans le trouble. J'étais vraiment dans une mauvaise situation, entouré de mauvaises personnes.» Des transactions douteuses pour se faire un peu de sous. C'est de la prison qu'il ira plutôt faire - pas longtemps, juste assez pour lui donner une leçon. Heureusement qu'il y a eu la musique pour le changer d'air.

Il a commencé à jouer du violon très tôt, «c'est sûrement pour ça que j'ai eu envie de chanter ensuite», dit-il. Puis le chant: «Plaisir coupable: j'aimais chanter sur l'album Cooleyhighharmony de Boyz II Men. C'est comme ça que j'ai appris. Mais c'est en découvrant Stevie Wonder que j'ai eu l'urgence d'écrire des chansons, vers l'âge de 14 ans.» Jeff Buckley, Faith No More, D'Angelo aussi ont formé ses goûts. «Juste un tas d'influences totalement diverses...»

À 20 ans, Merriweather avait fait son choix de carrière. Chanteur, coûte que coûte. Il enregistre dans un minuscule studio de Melbourne tout en bossant chez Poulet Frit Kentucky et en faisant le vendeur itinérant pour une compagnie de téléphone. De fil en aiguille, par un de ces hasards qui font les belles histoires, un certain DJ new-yorkais nommé Mark Ronson se fait offrir un de ses démos et lui passe un coup de fil... C'était il y a sept ans.

«J'ai pris l'avion pour aller le rencontrer à New York. Plus tard, j'y suis revenu, pour quelques mois. Je dormais sur le plancher de son appartement!» Ronson a vite gravi les échelons de l'industrie, tirant avec lui ce jeune chanteur plein d'âme. Après avoir contribué au succès d'Amy Winehouse, d'Adele et de Lily Allen, c'est lui qui réalise, avec aplomb, le premier album de Daniel Merriweather.

«Je fais de la musique depuis 7 ou 8 ans. J'ai tourné avec l'orchestre de Marc Ronson. J'ai vu Amy Winehouse enregistrer son disque. J'essaie juste d'avoir du fun. Ça marche. What a great job!»

Et ce n'est que le début de l'aventure. On gage qu'on le revoit au prochain Festival de jazz?

EN UN MOT

Jeune et charismatique chanteur soul-r&b pop australien qu'on n'a pas fini d'entendre...