Vous pensiez que tous les hassidim étaient des gens sérieux et repliés sur eux-mêmes? Ce n'est pas toujours le cas. Prenez Leibish Hundert. À 31 ans, ce rabbin fait figure d'exception dans l'univers fermé de l'orthodoxie juive. Il a grandi en écoutant du Led Zeppelin. Il adore le rock psychédélique et il joue du sax comme un pro.

Contrairement à ses collègues plus conservateurs, Leibish Hundert n'a rien contre la culture pop et les mélanges de genres. Il est ultrareligieux, mais pour lui, judaïsme et divertissement sont loin d'être incompatibles. C'est pourquoi il a décidé d'organiser les Soirées Ghetto Shul en marge du Festival de jazz, dans sa petite synagogue de l'avenue du Parc.

 

Pour Leibish, les soirées Ghetto Shul ne seraient ni plus ni moins que la touche de judaïté qui manquait au FIJM. «Nous allons enrichir leur mosaïque avec une saveur qu'ils n'ont pas souvent, dit-il. En plus, notre synagogue est à un jet de pierre du site du Festival de jazz. On s'est dit que ce serait génial de se joindre au party, tout en affirmant notre identité culturelle.»

Huit groupes, dont six de Montréal, ont été invités à se produire aux soirées du rabbin Leibish, qui ont débuté mercredi et se poursuivent jusqu'à mardi. La plupart s'inscrivent dans le courant «nouveau klezmer», qui consiste à mélanger le folklore yiddish d'Europe de l'Est avec des styles plus urbains ou contemporains, comme le rap, le reggae ou la techno.

Symbole montréalais de ce revival, l'inénarrable So Called aura l'honneur de clôturer l'événement, mardi à 23h, avec son mix jouissif de klezmer, de hip-hop, d'expérimental et de musiques du monde. Il sera précédé d'Isaac Miracles, chanteur r'n'b d'inspiration hassidique, actuellement en préparation d'un premier album.

Lundi, place à l'Américain Jesse Ruben (folk), nouveau poulain de la multinationale Sony, ainsi qu'au groupe montréalais Nozen, dont la fusion jazz/klezmer se situerait au carrefour de John Zorn, John Coltrane, Dave Tarras et Natfuleh Brandwein.

Ce soir enfin, musiques juives du Moyen-Orient avec la formation locale NuJu, et hard-rock klezmer avec le groupe new-yorkais Dank Skullkap, qui se présente lui-même comme un «jam band prétentieux qui essaie de ne pas sonner comme un jam band.»

Et la religion?

Évidemment, impossible de dissocier la religion du reste. Surtout que ces soirées festives auront lieu dans une synagogue....

Outre certains artistes qui revendiquent leur judaïté plus fort que les autres (Isaac Miracles, entre autres) le rabbin Leibish ajoutera ses propres notes mystiques pendant les entractes.

«J'agirai un peu comme le MC. Ce sera plus près de la poésie que du prêche. Mais j'aimerais en profiter pour expliquer à quel point la musique est une extension de la spiritualité. Et à quel point elle peut nous aider à bâtir un monde meilleur, à faire de nous des meilleures personnes», lance-t-il, le regard illuminé.

Avis à ceux que ça inquiéterait: la synagogue du Ghetto Shul tiendra un service de bar, ce qui, soit dit en passant, est tout à fait compatible avec la religion juive. En revanche, la danse en couple n'est pas vraiment encouragée, à moins que vous ne soyez officiellement mariés! En d'autres mots, les amateurs de lambada feraient mieux de passer leur tour. Leibish Hundert a beau être un rabbin ouvert, il a quand même ses principes.

«D'après la loi juive, la danse avec des gens de l'autre sexe entretiendrait une certaine forme de superficialité, alors que nous essayons plutôt de mettre l'accent sur des relations saines, durables et profondes. Mais bon. On n'est pas la police. On ne va pas quand même pas empêcher les gens de s'exprimer», lance-t-il en esquissant un clin d'oeil...

Nights at Ghetto Shul (Les nuits au Ghetto Shul), 3458, avenue du Parc, jusqu'au 7 juillet. Informations: www.nightsatghettoshul.com

 

Le nouveau klezmer

La musique klezmer, issue du folklore juif d'Europe de l'Est, connaît actuellement un intéressant revival. Plusieurs jeunes musiciens renouvellent le genre en y intégrant des éléments modernes et branchés. On pense aux Montréalais So Called, Shtreiml, Nozen et Isaac Miracles, ou aux Américains Michael Winograd, Daniel Kahn et David Krakauer. Plus reggae que klezmer, le chanteur hassidique Matisyahu ne fait pas partie de ce mouvement. - J.-C. L