Melody Gardot, révélation du Festival de jazz l'an dernier, nous revient par la grande porte avec dans ses bagages un deuxième album ambitieux, très orchestral, My One and Only Thrill. À défaut d'être accompagnée d'un grand orchestre, elle nous propose de retourner à l'essence même de ses chansons en compagnie de ses cinq musiciens.

On a tout dit de l'étonnant parcours de Melody Gardot, depuis l'horrible accident qui lui a laissé des séquelles physiques et mentales en 2003, à sa renaissance miraculeuse dans laquelle la musique a joué un rôle thérapeutique majeur. L'an dernier au TNM, on allait à la rencontre d'une jeune femme douée, on a découvert une artiste majeure sur laquelle il faudra compter pendant des années.

 

Melody Gardot éprouve encore des problèmes avec sa mémoire récente, mais elle n'a surtout pas oublié l'accueil que Montréal lui a réservé en 2008. «C'était incroyable, dit-elle depuis la voiture qui chemine dans les montagnes de la Pennsylvanie en direction d'une autre salle de spectacle. C'était mon premier gros spectacle, en plus j'en donnais trois d'affilée, les trois à guichets fermés. Je me demandais bien pourquoi il y avait tant de monde, étaient-ils venus voir Céline Dion?»

Du Melody Gardot tout craché! Entre deux réflexions sur son art et ses motivations profondes, elle pousse une blague puis éclate d'un rire franc, spontané. C'est justement son charme inné, sa présence étonnante pour une artiste si peu expérimentée qui a fait de ses concerts au TNM le triomphe que l'on sait. «Je suis comme chez moi quand je monte sur scène, ajoute-t-elle. J'adore que les gens puissent être dans un lieu clos avec un artiste et partager un moment avec lui.»

Au moment d'enregistrer son nouvel album à forte saveur orchestrale, elle croyait pouvoir compter sur un grand orchestre sur scène. Quand elle s'est rendu compte que c'était impossible, elle a aussitôt trouvé de nouvelles vertus à cette approche plus dépouillée.

«J'ai compris qu'on ne peut jamais refaire ce qu'on a déjà fait une première fois, explique-t-elle. Si la musique est un tableau, tu ne peux le peindre qu'une fois, ça ne sera jamais tout à fait pareil.» Elle cite Picasso à l'appui de sa théorie, puis ajoute: «En concert, tu ne peux que réinterpréter, redéfinir l'intention première de tes chansons. Elles sont plus simples parce qu'il n'y a pas d'orchestre, mais elles renouent avec leur essence. Dans un parfum, l'essence est l'élément le plus puissant...»

Les étoiles de Paris

À pareille date l'an dernier, Melody Gardot me disait son coup de foudre pour la France, pour Paris en particulier, qui lui a inspiré une chanson aussi amusante que charmante du nouvel album, Les étoiles: un texte en français sur une musique brésilienne.

«C'est une drôle de chanson, la première que j'ai écrite en français, dit-elle. Paris est une si belle ville, mais on n'y voit pas le ciel, sauf depuis la rive de la Seine où j'aime m'asseoir. Je regarde le temps passer et le soir venu, les étoiles apparaissent. J'aime les choses simples, les fleurs, le ciel, les étoiles. On n'a rien à gagner à essayer d'être prétentieuse ou sophistiquée, on l'est ou on ne l'est pas.»

Melody Gardot est si peu prétentieuse qu'elle ne fait même pas semblant qu'elle connaissait le réputé Larry Klein (Joni Mitchell, Herbie Hancock, Madeleine Peyroux), avant de lui confier la réalisation de son nouvel album. «Je n'avais aucune idée de qui il était, dit-elle spontanément. Il m'a entendue à la radio et a voulu me rencontrer à New York. Je n'ai rien lu sur lui, quand je rencontre quelqu'un pour la première fois, c'est la personne que je veux connaître, pas sa biographie. Larry avait de bonnes idées musicales et il m'a laissée aller, il n'a pas essayé de tout changer ce que je voulais faire.»

Au Théâtre Maisonneuve, Melody Gardot sera accompagnée du même trio de musiciens que l'an dernier - «Je peux changer d'homme régulièrement, mais je ne change pas de musiciens très souvent», dit-elle en riant - en plus d'un saxophoniste et d'un vibraphoniste.

Spectacles et promotion obligent, elle n'a pas eu le temps de souffler depuis février dernier. «Je crois que je vais finalement avoir congé en août, mais je n'ai pas besoin de répit, pourquoi faire une pause quand tu aimes autant ce que tu fais? dit-elle le plus sérieusement du monde. Mais si on se croise à Montréal, pourrais-tu s'il te plaît me payer un verre pour me permettre de m'asseoir 10 minutes?»

Melody Gardot, au Théâtre Maisonneuve, les 1er et 2 juillet, 18h.

 

QUI EST-ELLE?

Une jeune artiste qui a tous les talents et une présence étonnante.

UN CD ESSENTIEL

My One and Only Thrill/Verve/Universal

À ÉCOUTER

Who Will Comfort Me, Les étoiles, Love Me Like a River Does