Si elle a toujours été associée au milieu hip-hop, la formation CEA, de Québec, ne s'y est jamais limitée. C'est vrai plus que jamais avec Coin Strasbourg, un deuxième album où tous les genres semblent bienvenus, dans la mesure où ils servent les chansons.

CEA n'est plus tout à fait cet ensemble qui, en 2006, a lancé le festif C'est ça l'fun!?. Le succès remporté par la galette a passablement changé la donne. De la bonne façon. D'un collectif où l'impact des membres était forcément diffus, la bande est devenue un véritable groupe, centré autour de Lou (MC et chant), Marième (chant), Lwazo (MC et guitares) et Bob Bouchard (MC).

"On partait de zéro, on était à découvrir, observe Lou. Mais avec la notoriété qu'on a gagnée et avec les spectacles, personnellement, ça m'a mis en confiance. Je me suis débarrassé du syndrome de l'imposteur, de la question "est-ce que je suis un artiste?". Pour moi, ce deuxième album est très assumé."

Être ou ne pas être hip-hop

Coin Strasbourg peut paraître sombre à certains égards. Les textes, où il est question du mal de vivre ou de la dure réalité de la rue, ne sont pas ce qu'il y a de plus léger. Or, le quatuor a eu la bonne idée d'enrober les rimes d'airs dansants et dynamiques pour éviter que le contenu soit écrasant. Funk, r'n'b, soul, reggae, pop et rock sont autant d'éléments du vocabulaire qu'affectionne CEA. Et le hip-hop, dans tout ça? Il n'est jamais bien loin. Est-ce à dire que le groupe n'appartient plus entièrement au milieu rap? À vrai dire, c'est le cadet des soucis des quatre complices.

"Les gens sentent souvent le besoin de nous rattacher à un style, observe Lwazo. Le fait de rapper, qu'il y ait un rythme ou des textes (à la manière hip-hop), nous ramène au rap, mais nous, on fait de la musique et c'est ce qui nous importe."

La gamme d'influences est particulièrement large sur Coin Strasbourg. Du clin d'oeil appuyé à 1990, de Jean Leloup, sur la pièce-titre à la reprise du thème des Triplettes de Belleville sur Mon sang et mes larmes, en passant par la pochette qui évoque Strange Days, des Doors, le groupe s'est visiblement abreuvé à plus d'une source. Un fantôme, toutefois, qui a été davantage déterminant et qui a hanté l'enregistrement de part en part: Serge Gainsbourg.

"Pendant un voyage à Ottawa, on était dans la van et j'ai fait jouer Melody Nelson, de Gainsbourg, raconte Lwazo. On l'a écouté et même si la gang ne connaissait pas ça, tout le monde a trippé."

L'influence du défunt artiste se fait sentir à maints chapitres, qu'il s'agisse des vers traitant de romance, de la façon de les rendre, en optant parfois pour la narration, ou encore des styles musicaux, avec l'apport du funk.

Québec d'abord

CEA s'apprête à transporter sa nouvelle cuvée de compositions un peu partout en province. Le groupe s'arrêtera au Cercle, le 14 juillet, à l'occasion du Festival d'été de Québec. Avec les trois musiciens qui s'ajoutent lorsque vient le temps des concerts, il est évident que le métier n'est pas le plus lucratif qui soit pour le groupe, d'autant que son public cible - les 17 à 30 ans - est de ceux qui ont la manie de télécharger illégalement. Néanmoins, chacun des membres est heureux de son sort. Leur philosophie? Réaliser leur rêve en ayant, en parallèle, un boulot qui soit lié à la sphère du showbizz. À ce chapitre, Marième, qui travaille depuis longtemps à MusiquePlus et à Vox, a montré la voie.

D'autre part, il n'est pas question que l'ascension de CEA soit synonyme d'exil vers la métropole. La troupe veut en effet continuer de s'épanouir en conservant ses quartiers généraux à Québec.

"On est fiers de participer au milieu culturel de Québec et de montrer sa valeur, indique Marième. Peut-être qu'il y a 10 ou 15 ans, on n'aurait pas eu cette latitude-là, mais aujourd'hui, c'est possible."