On a parlé abondamment de Bernard Lachance, le fonceur, le vendeur ambulant qui s'est habilement servi des médias - et d'Oprah Winfrey - pour se faire connaître. Maintenant qu'il a signé un contrat avec la compagnie de disques Isba et que son album aura droit à une distribution digne de ce nom, Lachance sera jugé sur son talent de chanteur plutôt que sur son sens du marketing. Nerveux, le monsieur? Pas le moins du monde!

«C'est mon troisième disque, mais c'est comme mon premier. C'est mêlant, ma carrière!» Une bouteille d'eau à la main, Bernard Lachance entreprend de démêler tout cela à la cafétéria de La Presse. Oui, ce «premier album», intitulé While I Remember You, est en fait son troisième, il est paru en 2006 et Lachance en a vendu une dizaine de milliers d'exemplaires, un par un, notamment à Times Square, à New York.

«Mais ici, c'est un nouveau disque, insiste-t-il. S'il y a 1000 personnes qui l'ont au Québec, c'est beau. Je n'avais pas le droit de le vendre dans la rue à Montréal. Et je ne pouvais plus retourner les vendre dans les centres commerciaux, comme les deux premiers; après avoir chanté au Centre Bell, les premières pages des journaux et les télés, dans la tête du monde d'ici, j'étais riche! J'ai donc appris l'anglais et je suis parti à New York où j'avais le droit de vendre mes disques dans la rue.»

Avec peu de moyens, Lachance a quand même pu recruter pour ce disque des violonistes de l'Orchestre symphonique de Montréal qui étaient à ce moment-là en plein de conflit de travail. Et il a déniché les neuf chansons originales du CD - qui comprend aussi Nessun Dorma et Les moulins de mon coeur - en faisant paraître une annonce à 1000$ dans la bible de l'industrie musicale américaine, le magazine Billboard: chanteur canadien-français américain cherche chansons en français, en anglais, en italien et en espagnol.

«J'ai reçu 300 chansons d'un peu partout dans le monde, des cochonneries bien sûr, mais aussi de belles choses comme Rainfall, le premier extrait de l'album. Les chansons que j'ai gardées viennent surtout des États-Unis, mais aussi d'Angleterre, d'Allemagne et deux de Saint-Léonard!»

Peur de rien

Lachance n'a peur de rien. Chanter Nessun Dorma de Puccini qu'on associe aux chanteurs d'opéra? «Moi, je suis un chanteur populaire, pas un chanteur classique, voyons donc! Malheureusement, dès que les gens entendent de l'italien et des violons, ils pensent classique. Quelqu'un qui écoute du classique va préférer la version de Pavarotti ou de Bocelli. Mais quelqu'un qu'une voix classique énerve va bien aimer ma version de Nessun Dorma», affirme-t-il.

Il ne craint pas davantage d'être jugé désormais sur son talent plutôt que son sens du marketing. «Il y a des gens qui poussent et qui n'ont pas de talent, mais moi, je crois en mon talent, tranche-t-il. J'ai sorti 18 000$ de mon compte pour louer le Chicago Theatre. Et en passant, si Oprah ne m'avait pas invité à son émission, c'était le flop total, la faillite!»

Chanter au Radio City Music-Hall de New York n'est plus son but ultime. Ça coûte trop cher et si Lachance est passé par les États-Unis, c'était pour obtenir une forme de reconnaissance au Québec: «Je voulais revenir en héros, ça m'a pris du temps: six ans.»

N'empêche, dimanche dernier, au lendemain de son concert à Chicago, il déjeunait avec un producteur de télé new-yorkais qui veut monter une téléréalité autour d'un éventuel concert au Radio City Music-Hall. «Si j'ai une équipe télé derrière moi, c'est sûr que je vais refaire le coup du t-shirt une dernière fois, concède-t-il. Sinon, je suis prêt à accrocher mon t-shirt.»

Entre-temps, Lachance a rendez-vous avec ses fans, récents ou anciens, à Wilfrid-Pelletier le 8 août prochain. Il cherche des choristes - il en voudrait 300 - et a reçu une cinquantaine de candidatures par courriel après quelques interviews à la radio cette semaine. Les intéressés peuvent communiquer avec lui à l'adresse suivante: chorale8aout@hotmail.com

«Je suis encore un gars de marketing, ma compagnie de disques n'est pas folle, elle le sait très bien, dit Lachance. Mais ce n'est pas parce que je suis un gars de marketing que je suis un mauvais chanteur.»