Immense aux États-Unis, mais peu renommé hors de sa patrie, le Dave Matthews Band se relève encore de la perte de l'un de ses membres fondateurs, le saxophoniste LeRoi Moore, mort l'été dernier. C'est à lui qu'est dédié Big Whisky and the GrooGrux King, nouvel album du groupe rock-pop, sans doute le meilleur de sa discographie. Entrevue avec le leader, Dave Matthews.

Un freak accident, comme ils disent plus au sud. Prenant une pause de la tournée nord-américaine avec le Dave Matthews Band, LeRoi Moore faisait une balade en véhicule tout-terrain sur sa ferme en Virginie lorsqu'est survenu un grave accident, duquel il s'est tiré vivant, mais avec un poumon perforé et des côtes fracturées. Il aurait dû s'en remettre, après une longue convalescence. Il est pourtant mort le 19 août 2008. Aujourd'hui encore, l'absence de LeRoi Moore se fait sentir au sein du groupe - et des fans, qui ont accueilli le Dave Matthews Band en criant «LeRoi! LeRoi!» lundi dernier, au Beacon Theater de New York.

 

Posé et songeur au bout du fil, du genre à peser chacun de ses mots, l'auteur, compositeur, interprète, guitariste et chanteur Dave Matthews amorce l'interview en parlant des concerts du Band, sa grande force. Et de LeRoi, le regretté saxophoniste.

«LeRoi avait l'habitude de dire que ça n'avait pas de sens que nous ne soyons pas meilleurs en studio. Il était convaincu que ce disque nous permettrait de nous découvrir en studio... même s'il n'a pas eu la chance d'entendre le résultat final.»

Big Whiskey and the GrooGrux King, septième album du Dave Matthews Band (si on exclut The Lillywhite Sessions, un disque bootleg paru en 2001), semble en effet le meilleur de l'histoire du groupe. Les chansons sont de loin meilleures. Tellement qu'on se demande comment le groupe a pu vendre 31 millions de disques en 15 ans avec ces vieilles chansons qui nous restaient rarement dans les oreilles...

Succès sur scène

Le Dave Matthews Band a certes connu quelques (modestes) succès radiophoniques, aux États-Unis uniquement, mais ce n'est pas ce qui lui a permis de devenir un des plus importants groupes rock de son époque. Ici, on parle d'un phénomène typiquement américain, une sorte de nouveau Grateful Dead - comparaison qui a tout à voir avec leurs fans, prêts à les suivre partout sur la route. Le Dave Matthews Band, pour bien des Américains, c'est pratiquement une secte. Et immanquablement, à chaque concert à Montréal, au moins la moitié du Centre Bell provient des États-Unis!

«On a passé beaucoup de temps sur les routes des États-Unis, donnant huit concerts par semaine, raconte Matthews. On a bien gagné notre vie au début, mais on a surtout gagné des fans fidèles, sans l'appui des radios, ni de la télé, ni des médias en général, qui n'ont commencé à s'intéresser à nous que lorsque nous avons eu un bassin de fans assez considérable.»

Repartir sans la force tranquille

On s'en doute, repartir sur la route sans la force tranquille et rassurante de ce «leader et source d'inspiration» qu'était LeRoi Moore ne sera pas simple.

«Il va nous manquer, confie Matthews, notamment parce qu'il incarnait l'esprit de ce groupe. Il est irremplaçable, en quelque sorte. D'ailleurs, s'il était décédé le jour de l'accident, je crois que nous n'aurions pas fait appel à Jeff (Coffin, saxophoniste des Flecktones de Bela Fleck), un ami de longue date. Le groupe joue de manière fantastique ces temps-ci. On continue, sans jamais oublier son courage et sa manière de concevoir la musique.

«Nous n'avons jamais connu le succès sur disque que nous avons sur scène, concède Matthews. Mais on voyage quand même, en Amérique latine et en Europe, et chaque fois qu'on y retourne, on constate qu'il y a de plus en plus de fans à nos concerts. J'espère que ça va continuer comme ça. J'aimerais apprendre à connaître le monde; peut-être que cet album va nous permettre d'y arriver.»