Le groupe culte québécois Voivod lancera le 23 juin Infini, quinzième album d'une riche et influente carrière qui a redessiné les formes du heavy metal, ici comme ailleurs. Ce pourrait aussi bien être le dernier album du groupe, confie le batteur et illustrateur Michel «Away» Langevin.

Amateurs de rock, chérissez bien cet album de Voivod, car il n'y en aura plus d'autres. En tout cas, plus d'autres sans l'apport, capital, du brillant Denis «Piggy» D'Amour à la guitare électrique, disparu prématurément en 2005 des suites d'un cancer.

 

Ce disque posthume, comme l'était d'ailleurs Katorz lancé en 2006, contient les dernières pistes de guitares enregistrées par le pionnier pour des chansons de son groupe, qu'il a fondé avec Michel Langevin à Jonquière, en 1982.

«Pour ce qui est de la tournée, j'aimerais qu'on puisse donner le plus de concerts possible avant de s'arrêter. Mais composer de nouvelles chansons sans Piggy...» Michel Langevin fait une pause. «Je pense que je n'haïrais pas composer avec Dan Mongrain», un vétéran de la scène métal québécoise qui joue le rôle de guitariste de Voivod depuis le décès de Denis D'Amour. «Va falloir prendre le temps de réfléchir là-dessus.»

Voivod, c'est plus de 25 ans de disques et de scène. C'est, en un seul groupe de quatre musiciens, les fondations de l'histoire du métal québécois, une scène aujourd'hui encore reconnue pour la qualité technique de ses musiciens, assure Langevin. Plusieurs albums de Voivod sont aujourd'hui cités par les grands du métal, à commencer par Nothingface (1989), le sommet discographique du groupe, qui amenait le thrash metal dans des territoires progressifs, une direction alors inédite.

La suite sans «Piggy»

Quand un groupe est un intouchable du métal et que son guitariste, Denis «Piggy» D'Amour, est toujours considéré comme l'un des musiciens les plus avant-gardistes de sa profession, il est assez délicat de prétendre le remplacer. Sans compter qu'avant d'être un guitariste hors pair, pour Langevin, c'était un ami d'enfance. «On a fondé le groupe ensemble (avec Denis Bélanger, chanteur). À part pour Katorz, il a toujours été en studio avec moi. C'est difficile d'envisager la suite sans lui.»

Et pourtant, suite il y aura. «À la demande des fans, raconte Michel Langevin. Après la mort de Denis, on a terminé l'album Katorz, puisqu'il avait déjà enregistré 10 chansons avec Jason (Newsted, ex-bassiste de Metallica qui a joint les rangs de Voivod), mais on ne donnait plus de concerts. Ce disque a été enregistré en état de choc; après, on s'était éloignés de Voivod. Seulement, les festivals à travers le monde ont commencé à nous appeler pour aller jouer.» Après des mois de valse-hésitation, les membres ont craqué et sont repartis sur la route - au Japon notamment, pour la première fois. «C'était incroyable. Le concert va sortir en DVD», promet-il.

Infini recèle les dernières pistes de guitare enregistrées par Piggy pour Voivod, «mais il reste encore des enregistrements, que Denis gardait pour un album solo», assure Langevin, en se disant que ces chansons sortiront un jour, pour le bonheur des fans.

Les connaisseurs de Voivod reconnaîtront une concision dans les chansons et leurs structures qui s'éloigne du «son» typique du groupe. Les chansons sont courtes et vont droit au but. Le plus fascinant est de constater à quel point la présence de Denis D'Amour est intacte: toutes les pistes de guitares sont complètes, le son est fort et irradiant à souhait.

«Je ne pensais pas avoir à faire Infini, ni Katorz d'ailleurs. J'étais rendu ailleurs, je m'investissais dans mon travail d'illustrateur.» Michel Langevin, qui a illustré chacune des pochettes des albums de son groupe, lancera d'ailleurs un recueil comptant plus de 500 de ses oeuvres.

«Mais ce sont les fans, sur les forums, sur notre site, qui insistaient pour qu'on continue. Denis Bélanger a été le premier à avoir les fourmis dans les jambes: faut qu'on continue! En revenant du Japon l'an dernier, j'ai complètement changé d'idée. Je croyais que les gens allaient être insultés de nous voir encore, mais j'ai réalisé qu'il y avait plein de jeunes avec des chandails de Voivod qui n'auraient jamais cru pouvoir nous voir sur scène.»