Rivard a donc mis de côté son accompagnement pop-rock habituel et le nouvel album Rivière... et autres chansons symphonique, qu'il a lancé cette semaine, porte bien son nom. Avec l'orchestrateur Blair Thompson et le chef Jean-François Rivest, Rivard réinvente ses chansons avec un tel soin qu'on doit les écouter dans les meilleures conditions pour en profiter pleinement.

Cet album a longtemps été « une vue de l'esprit », une idée le fun, mais impossible à réaliser parce que trop coûteuse. Jusqu'à ce que l'agent du chanteur, Alain Simard, entende les bandes des premiers concerts donnés en 2006. Simard a tout de suite pensé à monter un concert aux dernières FrancoFolies. «Ce fut le déclic», reconnaît Rivest. Mais plutôt qu'un enregistrement live, « où on n'aurait pas pu faire une prise de son digne de ce nom», précise Rivest, on a préféré retourner en studio avec les musiciens de l'OSM, quitte à transformer encore un peu plus lesdites chansons.

Une espèce de dentelle

«J'ai mis un bout de temps avant de m'installer là-dedans », confie le chanteur sur qui reposait désormais la responsabilité de défendre la ligne mélodique de ses chansons sur une musique devenue «une espèce de dentelle».

Rivard ajoute : «T'écoutes ça et tu te dis : c'est maintenant ou jamais, chante-la comme tu ne l'as jamais chantée parce que tu n'auras jamais un accompagnement plus somptueux que ça. Il fallait que je me fasse violence et plaisir en même temps. Au départ, j'avais demandé à Blair de ne pas être dans ma zone de confort. Si j'ai une certaine frustration dans la vie, c'est de ne pas avoir comme ces deux moineaux-là la facilité d'entendre la musique, de l'écrire, de lire quelque chose et de dire "ah c'est beau ". Je suis au moins capable de chanter ces chansons-là avec des arrangements qui ne sont pas banals »

«Michel crée un monde cinématique et théâtral, ses chansons sont tellement riches qu'elles sont mûres pour un traitement orchestral, commente Thomson. On en a fait des tableaux, des variations sur Michel Rivard, comme (le cinéaste) François Girard l'a fait avec Glenn Glould. Chaque arrangement est différent de l'autre parce que chaque chanson est un autre monde. » Rivard donne l'exemple de sa chanson Le privé, pour laquelle il a suggéré à Thomson de revoir les films d'Alfred Hitchcock et d'écouter les musiques de Bernard Herrmann.

Un nouveau Phoque

Parce qu'on lui offrait ce «traitement de faveur», Rivard a choisi les chansons qu'il aimait le plus, celles en tout cas qu'il avait le goût de «sortir de leur habitat naturel» et qui se prêtaient le mieux à un traitement symphonique. Si on y retrouve Maudit bonheur, La lune d'automne, Le retour de Don Quichotte, Je voudrais voir la mer et Un trou dans les nuages, ce n'est pas pour autant un album de ses grands succès. Il a tenu à y inclure J'aimais l'hiver et Tu peux dormir, deux chansons moins connues dont il est très fier et il a même donné à l'album le titre de sa chanson la plus récente, Rivière : «C'est ma chanson préférée parce que c'est une des plus simples que j'aie faites et que ce qui est dit dans cette chanson, je n'aurais pas pu le dire il y a 30 ans »

Rivard a d'abord refusé net que La complainte du phoque en Alaska soit sur l'album malgré l'insistance d'Alain Simard. «Il m'a dit "Michel, je comprends que tu as une démarche artistique et tout ça, mais il faut le vendre, ce disque-là !" Moi, je ne voulais pas inclure une toune dans laquelle il y avait une minute d'OSM et quatre minutes de moi qui chante une chanson dont tout le monde a déjà huit versions à la maison.»

Finalement, Rivard s'est tourné vers Thomson et Rivest qui, grâce notamment à l'ajout d'un quintette à vent, ont réussi l'impossible : rafraîchir une chanson qu'on n'entendait plus tellement on la connaissait par coeur. Ce n'est pas le moindre mérite de ce nouvel album.