Betty Bonifassi et Jean-Philippe Goncalves figurent certes parmi les artistes français préférés des fans de musique au Québec. Et puisqu'ils résident dans notre île depuis les débuts de leur carrière, ils sont mieux connus ici que dans l'Hexagone. L'une chez les Triplettes de Belleville et Champion, l'autre chez Plaster, Dumas et Ariane Moffatt, Betty et Jean-Phi donnent maintenant la priorité à une bête dont ils souhaitent la longévité.

Initiative de l'excellente chanteuse d'origine niçoise Betty Bonifassi et du très compétent batteur, compositeur et réalisateur Jean-Philippe Goncalves, fils d'immigrants portugais élevé à Angoulême, Beast s'annonce comme le projet le plus heavy de leur carrière: rock pesant, électro à haut voltage, fragments de musiques de films et rap en sont les matériaux sommaires. Le reste repose sur votre interprétation, sur vos oreilles. Nous verrons bien...

 

Révélé sur la scène du Lion d'or en mars dernier, Beast a présenté une bonne cinquantaine de concerts depuis. Rodée, la bête de son. À travers le Canada, il faut dire, le groupe (quatre sur scène) a semé ses graines, déjà mis sous contrat par Pheromone pour le rest of Canada et Véga Musique pour le Québec - l'album sera officiellement lancé lundi à Montréal.

Le jeu des comparaisons est difficile. Trip hop? Pas tout à fait. Rap rock? Pas vraiment. Électro-rock? Non plus. Work song numérique? Mmmm non. Depuis le début des années 90, des centaines de groupes usent de matériaux comparables à Beast, né d'une rencontre spontanée.

«Jean-Phi, raconte Betty, m'a invitée en studio pour y faire les voix d'une maquette. De cette session est sortie une chanson très rapidement. On s'est dit «wow! on a une belle chimie ensemble, pourquoi ne pas essayer de faire un album?» On a appris à se connaître, on avait beaucoup de références en commun parce qu'on venait tous deux de France.

«De plus, nous avons créé avec une énergie de dernière chance, c'est-à-dire avec cette urgence de faire quelque chose de plus personnel. Jusqu'alors, j'avais été l'interprète d'autres univers que le mien, idem pour Jean-Phi. Bien sûr, nos personnalités ont contribué à l'originalité des projets auxquels nous avons été associés. Cette fois, nous avons fait tout ce que nous avons voulu.»

La rencontre de deux mondes

Jean-Phi indique à son tour que la personnalité vocale de sa nouvelle collègue était faite sur mesure pour que naisse la bête.

«Betty, c'est un mélange d'agressivité et de féminité. J'adore les bands qui bûchent, j'aime aussi les musiques plus subtiles, avec plus de rondeur. Même si ces deux mondes ne convergent pas d'emblée, on a fait en sorte qu'ils se rencontrent.»

Ainsi, Jean-Phi a composé les trames musicales des chansons, Betty en a créé les mélodies vocales et rédigé les textes - de concert avec l'auteure torontoise Simon Wilcox. «J'ai écrit les premiers jets, elle a poli mon anglais sans en réduire la vision française au plan de la métaphore. Deux mondes littéraires se sont rencontrés, ce fut très agréable. Et pourquoi l'anglais? Et pourquoi pas? Bien sûr, je reste ouverte à chanter de beaux textes en français...»

Reste à nos deux pointures à se dégager de leurs anciennes chaussures, très connues du public comme on le sait.

«Pour l'instant ça nous aide, estime Jean-Phi. Et c'est un peu devenu une marque de commerce pour Betty que de changer de projet. Bien sûr, nous avons traversé des périodes de doute, mais on a gardé le cap, sachant qu'on pouvait faire un album qui se tient.»

«En tout cas, ajoute Betty, je suis heureuse que Jean-Phi ait été touché par ma voix. D'autant plus que cela s'est produit dans une période difficile de ma vie. Je souhaite donc que les gens aiment cet album. Car Beast, je crois, se réalisera en plusieurs étapes, à travers plusieurs albums.»

On se quitte avec cette question que tous veulent poser à Betty.

«J'ai quitté Champion parce que le moment était venu. J'ai participé à la création de son spectacle avec des idées auxquelles je croyais. Ça a marché, j'ai été super contente. Mais il m'était devenu difficile de me nourrir d'un groupe avec lequel je tournais depuis cinq ans. Il me fallait donc passer à autre chose. Et il y a quelque chose de beau à vouloir rester frais, à se battre pour des choses nouvelles. Jean-Phi est arrivé dans ma carrière à un moment où j'ai pu exprimer exactement ce que j'avais dans le coeur. Super beau départ.»