Après un spectacle annulé à la dernière minute en décembre dernier, les corrosifs Tiger Lillies sont de retour à l'Usine C ce soir et demain.

«Of all the sins in all the world the worst of all is pride/But it's the one o my love we don't see till we die», chante Martyn Jacques dans Pride, extrait du récent disque The Seven Deadly Sins inspiré par l'oeuvre du peintre Jérôme Bosch.L'oeuvre du trio anglais, elle, on pourrait la résumer à une attaque contre cette vanité humaine, avec d'occasionnelles chansons-requiems pour en pleurer la tragique banalité et la souffrance.

"Ultimement, l'existence humaine a quelque chose de profondément comique", dit Martyn Jacques, joint chez lui, à Londres, où il mastique la fin de son repas passé 23 h.

«D'une certaine façon, on reste des créatures ridicules, poursuit-il. Ceux qui ne le voient pas risquent de devenir pompeux et orgueilleux. L'orgueil, c'est l'impression que son existence diffère foncièrement de celles des autres, qu'on constitue un être unique. Ça finit par rendre idiot. Notre humour sert d'antidote à cela.»

Humour corrosif

L'humour constitue une arme corrosive dans les mains des Tiger Lillies. Accordéon, égoïne, ukulélé et quelques claviers et percussions suffisent pour bricoler des chansons à la fois simples et carrément étranges, remplies de silences inquiétants. Le tout est hanté par la voix de Jacques, qui passe du falsetto instable au cri de bambin maléfique qui beugle un blues.

Complainte pour un cadavre à la dérive dans la Hudson River, blues des catacombes pour un bébé mort ou chansonnette sur la copulation ratée avec un moustique, sans oublier l'épisode où il pisse sur les tombes, Jacques ne craint pas le glauque et le grotesque. Ni le vulgaire, comme dans sa chanson Gluttony, une symphonie d'éructations qui rappellent l'explosion du goinfre dans The Meaning Of Life de Monty Python.

Sur scène, le propos devient encore plus décapant. Jacques se peint le visage en blanc et se démène comme un possédé avec son chapeau melon et ses habits victoriens. "Je m'habille toujours un peu à la mode victorienne, explique-t-il d'un ton gai et chantant. Cette esthétique de carnaval et de théâtre à la Brecht me fascine. Quand je regarde aujourd'hui les gens habillés en noir avec leurs cheveux courts, ils me paraissent mornes. Je réagis un peu à cela, j'essaie de faire différent. J'imagine que l'art avance aussi comme cela, en réaction aux autres."

Jouer la semaine de l'Halloween, ça signifie quelque chose pour les Lillies? "Pas vraiment, explique Jacques. C'est une idée de notre imprésario. Dans la semaine de l'Halloween, on rejoint un nouveau public. Les gens pensent qu'on se déguise pour l'occasion, mais nos concerts ressemblent à cela toute l'année."

Difficile de catégoriser ce groupe, qui a lancé plus de 20 disques depuis sa création, en 1989, dont deux opéras et une collaboration en 2003 avec le Kronos Quartet. Notre Festival Juste pour rire les a invités il y a quelques années. En décembre dernier, le trio devait présenter son spectacle Suicide for Christmas à l'Usine C.

«Notre avion survolait Montréal durant une grosse tempête de neige, se souvient Jacques. Le pilote a fait demi-tour, il ne voulait pas atterrir. C'est vraiment dommage d'avoir dû annuler ainsi le concert à la dernière minute. On vous en doit une.»

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Les Tiger Lillies, ce soir et demain à 20 h à l'Usine C.