En français, le suffixe «-onyme» - comme dans pseudonyme, antonyme, éponyme... - vient d'un mot grec signifiant «nom». Quand Plume Latraverse lance un album intitulé Plumonymes, on se dit qu'il se cache sans doute quelque chose sous tous ces «noms de Plume». Il s'y cache effectivement un des disques les plus inattendus qui soient...

C'est presque gênant à écrire: si les disques de Plume m'ont - nous ont - généralement fait rire, chanter, beugler, boire, danser, hurler, fumer, écouter, réfléchir, c'est la première fois qu'un de ses albums me remue comme le fait Plumonymes, au point parfois d'en avoir la gorge nouée, les yeux humides...

 

Pas de chansons qui dénoncent, décrient, «dérisionnent», décapent ou même décapitent sur ce 24e album de Monsieur Plume. Mais plutôt des textes qui s'attardent au temps qui passe, à la vie qui s'arrête, à l'éphémère de toute chose, aux saisons qui seules reviennent toujours... Tout cela sur de fort jolies mélodies, très souvent articulées autour du piano. Et chantées par un Latraverse à la voix parfois très haute, quasi falsetto, avec même une pointe de vibrato qu'on ne lui connaissait pas - ou que le longiligne et filiforme Plume n'utilisait que «pour rire». Comme disait l'autre, «wouatapenne?»

«Je voulais montrer que j'étais un auteur-compositeur, explique sobrement le grand Latraverse. Après mes deux ans de sabbatique, je voulais trouver comment revenir dans ce métier-là, que j'aime, alors que j'étais tanné des festivals, du rock'n'roll, de la télévision. J'ai fait une tournée des salles du ROSEQ (les petites salles intimes de l'est du Québec) et j'ai écrit des tas de chansons. Un des tas, je savais que c'était des chansons sur l'actualité, des folk chronics (NDLR: on les trouve toutes sur le très bon album Hors saisons, lancé il y a un an). Mais l'autre tas, c'était des chansons différentes, pas cyniques du tout, des tounes qu'au départ j'imaginais plutôt chantées par d'autres, un peu comme Louise Forestier qui chantait sur mon album Chants d'épuration (en 2003). Sur Plumonymes, une chanson comme Inéluctablement, par exemple, c'était pour Renée Claude. Mais Renée Claude ne le pouvait pas, pour d'excellentes raisons (NDLR: elle souffre de fibromyalgie et de fatigue chronique). Ou Nous chantons, je l'aurais bien vue interprétée par Star Académie, à la manière des Compagnons de la chanson (rires). Ça n'a pas pu se faire et finalement, je les ai chantées moi-même, mes chansons; on n'est jamais mieux servi que par soi-même...»

Sans tapage, ni cynisme

Ses étranges chansons tristes, où les images religieuses abondent (la prière Marie, inspirée par la barmaid Marie Morin) et où les sourires sont quasi candides (par exemple Alice, qui est dans la vraie vie une petite chatte), elles ne feront pas partie de son spectacle avant un bout de temps. «Je les laisse faire leur chemin toutes seules. Ce disque-là, c'est une petite chaloupe, qui se promène entre des gros paquebots, les disques de Mes Aïeux, les Cowboys et compagnie. Ce sont des chansons qui se situent où je me situe aujourd'hui, sans tapage, sans cynisme... J'ai pas essayé de jouer au jeune, tu comprends, précise le chanteur de 62 ans. As-tu vu le spectacle de Leonard Cohen cet été? C'est un spectacle qui garde le cap, mais un cap qui n'est pas en l'air, au-dessus de nous, c'est plutôt un cap au loin... Ça m'a remonté le moral.»

Le moral avait besoin d'être remonté. Au cours des dernières années, Plume a dû faire le deuil de bien des excès, santé oblige. En compagnie du pianiste-guitariste Concho Gravel et du bassiste El Globo Labelle (tous trois forment le groupe Oméga 3...), la conception de Plumonymes a aussi aidé Latraverse: il s'est occupé de tout, y compris la réalisation et le mixage de l'album, et même la rédaction du communiqué de presse! Un album qui s'est enregistré en une semaine, mais dont le mixage a pris pas mal plus de temps, parce que Plume voulait «trouver le grain de chaque chanson, jouer avec les nuances et les couleurs pour éviter le monotone». Ça donne D'août temps d'été, une «chanson humidificatrice» et Bulles de printemps, «qui a un côté jambe de bois» ...

Ça donne aussi l'idée que Plume est également un peintre, capable de chansons picturales réunies sur un «album paysagé-couleurs» (dixit la pochette). Et justement, à l'endos de Plumonymes, on voit un Plume d'il y a longtemps: «C'est une photo prise en 1968 à Percé, dans le temps que j'étais peintre d'affiches de restaurant (rires). Sur la photo, j'ai remplacé l'affiche de la pizzeria - j'avais écrit Pizza, zizi, zappa, etc. - par la liste des chansons.» Et sur le disque, Plume en a profité pour remplacer le décapant par le dérangeant...

La tournée Hors saisons de Plume Latraverse se poursuit jeudi à Joliette, puis les 7 et 8 novembre à Québec.