Qu'ont en commun Georges Moustaki, Robert Charlebois, Gilles Vigneault, Daniel Lavoie et... Martine St-Clair? C'est simple: tous collaborent au nouvel album de Claude Gauthier.

Pour une des rares fois dans sa carrière longue de presque 50 ans, Claude Gauthier a décidé d'écrire à plusieurs mains.

 

Ce n'est pas dans ses habitudes, il en confesse. Hormis Partance (avec Vigneault, en 1963), Marie-Noël (avec Charlebois en 1965) Le plus beau voyage (avec le pianiste Yvan Ouellet), L'étoile du nord (sur un texte de Gilbert Langevin) et quelques chansons pondues avec Pierre Calvé, l'auteur-compositeur-interprète a toujours créé seul.

Mais ce projet était différent. Et le contexte s'y prêtait.

«Après 200 représentations de Don Juan (NDLR: il jouait le rôle du père), j'étais complètement vidé, raconte le chanteur. Je n'avais plus une once le goût de chanter sur scène et j'avais besoin de temps pour me remettre. Et puis, Monique Giroux m'a appelé pour me proposer de collaborer avec Georges Moustaki...»

Ce jumelage a non seulement donné naissance à une chanson (On a si peu de temps à vivre), mais il a donné envie à Gauthier de prolonger l'exercice. C'est ainsi que Robert Charlebois, Gilles Vigneault, Daniel Lavoie, Pierre Calvé, Pierre Létourneau, Daniel Boucher et Robert Léger et même le cinéaste Michel Brault (sur le document DVD complémentaire) ont abouti sur son 14e album, Pour la suite du monde, qui sera en magasin mardi.

Jusqu'ici, parlons d'associations naturelles. Les membres de cette équipe d'étoiles sont tous issus du milieu chansonnier. Daniel Boucher appartient à la même maison de disques que Gauthier (GSI). Et Michel Brault a déjà réalisé cinq films avec Gauthier l'acteur, dont Les ordres (1974) et Entre la mer et l'eau douce (1967).

On est un peu plus étonnés, en revanche, de voir apparaître le nom de Martine St-Clair, qui signe la musique du morceau Combien d'amour. L'ex-chanteuse de variétés, dont on n'entend plus beaucoup parler, aurait-elle changé de famille artistique?

«Sa présence intrigue beaucoup de monde, répond Claude Gauthier en souriant. C'est pourtant simple. On s'était croisés ici et là sur des plateaux au fil des ans. Un soir, elle m'appelle pour me demander si je n'ai pas un texte pour elle. Je suis allé la rencontrer à son studio avec cette chanson-là. Elle s'est mise au piano et a trouvé la mélodie en moins de 15 minutes. C'était très beau, je lui ai dit: si tu aimes mes paroles, moi j'aime ta musique...»

Pour la suite du Québec

Le chanteur avoue que ce projet collectif l'a aidé à repartir la machine. Après le vide laissé par Don Juan, il avait besoin de se régénérer avec quelque chose de différent.

«Ça m'a donné du sang neuf», dit-il.

Il ne faut pas s'attendre, du reste, à un chambardement dans l'univers de Claude Gauthier. À 69 ans, l'auteur-compositeur continue de cultiver son petit bout de jardin, en espérant transmettre le fruit de son art chansonnier aux générations qui suivront.

C'est d'ailleurs ce qui lui a inspiré le titre de l'album, humblement emprunté au fameux documentaire de Pierre Perrault, sorti en 1963.

«La plupart des gens qui ont collaboré au disque ont un certain âge, explique le chanteur. Notre type d'écriture correspond à une époque. Je ne dirais pas que c'est un style révolu, mais nous n'avons pas le même langage, la même façon de rimer que ce qui se fait aujourd'hui. Et moi, j'aimerais que nos enfants puissent être en contact avec cette ancienne façon de faire.»

Nostalgie

Nostalgique? Sans doute. Mais un nostalgique qui continue d'absorber son époque. Avec le temps, les préoccupations de Claude Gauthier ont changé. Et ses sujets de chanson itou. L'amour, la nature, les racines font encore partie de son imaginaire. Mais comme d'autres combattants fatigués, il semble avoir «tabletté» ses rêves d'indépendance.

«C'est mon évolution tranquille, explique le chanteur. Je parle moins du pays, parce qu'il y a autre chose à dire. Tristesse, ennui, solitude, environnement: ça va trop mal partout, en ce moment, pour parler de projet souverainiste... Cela dit, je ne renie rien de ce que j'ai écrit. «Je suis Québec mort ou vivant», j'y crois toujours... Mais essayons d'abord de rester vivants.»