Tryo reprend du service. Nous sommes à quelques jours de la sortie officielle de Ce que l'on sème, premier album studio depuis Grain de sable, lancé en 2003. Voilà une autre création éminemment citoyenne du quartette hexagonal, album aux préoccupations planétaires, moins franco-françaises, plus tendres de surcroît. Ce que l'on s'aime aussi !

«Voilà, on ne voulait pas trop de décalage entre la sortie de l'album en France et la sortie au Québec. Et comme il est prévu que l'on y joue en mars, on voulait vraiment que l'album sorte avant.»

 

Christophe Mali au téléphone. Peu probable qu'on s'ennuie au cours des prochaines minutes! On connaît l'animal, dont la dégaine extatique rappelle Jacques Higelin ou même Charles Trenet. On le lance d'abord sur l'élargissement de la palette musicale, tangible sur Ce que l'on sème.

«Depuis les débuts de Tryo, fait observer Mali, les influences sont diverses. Or, pendant cette pause qu'on a faite avec le groupe, il y a eu pas mal de voyages et de rencontres - je suis personnellement allé en Inde, Guizmo est allé au nord du Niger, etc. Les nouvelles influences musicales de Ce que l'on sème reflètent ces itinéraires.»

Mali fait observer que les ingrédients de la pâte à Tryo n'ont pas été négligés pour autant. «Il y a quand même du reggae, du folk, des guitares, des voix. Cela ne nous a pas empêchés de repousser nos limites. Les textes nous ont menés là, en fait. Par exemple, Tombé mal parle de déforestation, ce qui nous a conduits à inviter Sally Nyolo, une chanteuse camerounaise qui a fait partie de Zap Mama. Ainsi, nous nous sommes permis d'aller vers l'Afrique (Abdallâh), mais aussi vers l'Inde (Mrs Roy). L'influence de l'Amérique latine, de Cuba et du Brésil, a aussi énormément joué sur cet album - L'air du plastique, Quand les hommes s'ennuient, etc.»

Proche de son public, Tryo a tout mis en oeuvre pour que sa pâte lève de nouveau. «Avant de mixer Ce que l'on sème, on a fait un tour de France pour le faire écouter à notre public, indique Mali. Avec l'album, nous avons aussi fourni un carnet de chant assorti des tablatures pour la guitare, car nous entendons régulièrement jouer nos chansons sur les plages, dans les festivals, dans les soirées. On est ravis des premières réactions, on est partis pour un cycle de deux ans.»

La tournée débutera au milieu de l'hiver prochain, les dates sont déjà bloquées jusqu'à décembre 2009, les escales québécoises sont prévues en mars ainsi que durant la période des festivals.

Engagés et festifs

Tryo existe depuis 13 ans. D'entrée de jeu, la formation française a su incarner cette vague progressiste à la fin des années 90, nouvelle gauche altermondialiste dont les revendications ont été semées à tous vents... avant que ce vent de droite ne souffle un peu partout en Occident. Où en êtes-vous, nobles battants de Tryo?

«C'est vrai qu'il y a quelque chose de majeur avec la droite, mais je crois aussi qu'au sein de la jeunesse, des voies à gauche ne cessent d'émerger, entre autres chez les artistes. Je crois que l'alternative est toujours là et que les médias faussent peut-être la donne... surtout lorsqu'ils appartiennent à des intérêts de droite! En tout cas, je ne crois pas évoluer dans une bulle.»

À ce titre, Tryo voit les choses bien au-delà de la francophonie.

«En tant qu'artistes engagés, nous sommes moins dans des préoccupations franco-françaises, comme c'était le cas dans nos premiers disques. Bien sûr, il y a encore des chansons comme Marcher droit ou Travailler plus, qui portent un regard sur la société française et notre «chère» présidence. Mais les questions qu'on se pose dépassent ce simple rapport à notre pays. Il y a notamment ce thème central qui est celui de l'écologie - d'où notre allégeance à Greenpeace.»

Le pamphlet ne l'emporte pas sur l'art pour autant, assure Mali. «Nous restons dans la création malgré nos préoccupations. Nous abordons des thèmes graves tout en conservant un côté festif et divertissant. Avant tout, nous sommes sur scène pour faire rêver les gens. Nous nous réclamons de personnages comme Pierre Desproges et Coluche, qui ont su lier l'engagement à l'humour. Ou Ferré, qui a intégré son engagement à la poésie. Maintenant, d'ailleurs, notre rapport à l'amour est beaucoup plus clairement évoqué. Ce que l'on sème et... ce que l'on s'aime.»