Avec l'album Night Lights, Susie Arioli ferme une parenthèse country et revient aux standards du jazz vocal. «Progression naturelle» résume-t-elle en interview.

Fumant sa clope devant la terrasse où le rendez-vous a été fixé, Susie Arioli est en gougounes, relaxe et souriante. La chanteuse profite des dernières journées chaudes de septembre dans son voisinage, pas très loin du marché Atwater où elle s'est installée depuis un an. Nouveau quartier, nouvelle étiquette de disques, nouvel album. Night Lights, révélé à la lumière du jour sur Spectra Musique. « Mon contrat était terminé chez Justin Time, le timing était idéal pour changer. Justin Time a été cool avec moi, on n'a pas opposé de résistance pour me laisser aller. Et j'aime changer. J'aime Alain (Simard), j'aime travailler avec l'Équipe Spectra. »

L'équipe Spectra s'est donc mise à faire des disques, l'écurie du label est en formation mais se compose déjà de Michel Rivard, Thomas Hellman et Madame Susie. Après avoir revu un répertoire puisé dans les époques naïves du jazz, du swing et du blues, bien avant que ces genres ne s'adressent aux intellos, le tandem Susie Arioli / Jordan Officer a exploré la grande qualité country avec le précédent Learn To Smile Again (qui reprenait entre autres de superbes classiques signés Roger Miller). Avec Night Lights, ils se rapprochent davantage du présent en optant pour un répertoire plus récent de l'american songbook.

« Ces chansons sont moins obscures, ce sont surtout des standards de jazz, fait-elle observer. On voulait retourner aux standards qu'on aime, des chansons assez connues.»

La formation de Susie Arioli demeure un trio, lequel accueille un nouveau membre, le contrebassiste et chanteur Bill Gossage. « Shane (MacKenzie) est parti vivre en Finlande où il a rencontré sa partenaire, il a été remplacé par Bill, dont les frères musiciens sont aussi réputés sur la scène montréalaise. Il chante très bien, toujours juste, en plus de jouer très bien », explique son employeur.

Night Lights résulte d'une «progression naturelle», selon les dires de Susie Arioli. De prime abord, effectivement, aucune réforme majeure n'y est évidente.

« Chanter est pour moi de plus en plus plaisant et gratifiant, car j'ai le sentiment de progresser. Mon sens rythmique s'améliore, mon chant s'améliore, nous avons fait des prises de son de sorte que ma voix soit très en avant dans le mix. Je me sentais prête à en prendre davantage sur mes épaules. Par le fait même, je me suis dévoilée dans l'émotion.»

En cela, Susie Arioli signifie que la réalisation des disques précédents était plus homogène, que la voix se fondait dans l'instrumentation. L'expérience et l'assurance ont conduit Susie à changer cette manière : « J'aime que les instruments soient plus discrets et, lorsque vient le tour de chacun, le solo est mieux mis en évidence. »

Comme par le passé, le guitariste Jordan Officer joue un rôle prépondérant dans la facture de Susie Arioli. On sait d'ailleurs que Jordan et Susie formaient jadis un couple, et que leur vie commune se limite désormais à la création et la vie professionnelle. « Nous avons fait les ajustements nécessaires, nous conservons cette complicité musicale. Ainsi, Jordan a réalisé ce cinquième album. Nous avons conservé la somptuosité de Learn To Smile Again, on l'a intégrée à ce répertoire. »

Susie se montre fière du résultat.

« On y crée l'impression que six instruments sont joués par trois personnes. Sur scène, d'ailleurs, nous jouons à trois. Sur disque, il y a des invités comme le guitariste Michael Jerome Browne qui y fait un superbe solo. Lui et Jordan utilisent de grosses cordes, plus hautes au-dessus du manche, ce qui produit une résonance plus forte. C'est plus difficile à jouer mais ça génère un son très spécial. »

Sauf exception, le répertoire de Night Lights puise dans le volet jazz vocal de l'american songbook : Blue Skies et How Deep Is The Ocean d'Irving Berlin, It's You Or No One de Sammy Cahn, You Go To My Head, du tandem Fred Coots/Haven Gillespie, The Very Thought of You de Ray Noble, la version anglaise de La Mer de Charles Trenet (traduite à l'époque pour Bobby Darin), une version française de Night Lights de Gerry Mulligan (Lumière de nuit), que Susie a elle-même traduite de concert avec son amie Nina Duval « qui a une vraie sensibilité poétique ».

« Nous essayons de trouver ce qui résonne bien à notre époque, estime la principale intéressée. Ces chansons sont plus récentes que sur les albums précédents où l'on faisait des standards de jazz. Je les ai apprises entre autres de Sarah Vaughan, c'est-à-dire à une époque du jazz où la voix devenait un instrument à part entière.

« Ainsi, conclut-elle, notre approche est plus sophistiquée. Mais cela reste accessible : je cherche toujours une mélodie belle et forte que l'on peut s'approprier, que l'on peut fredonner en marchant. »

Night Lights, le nouvel album de Susie Arioli, sera en magasin mardi. Le trio de la chanteuse se produira au Théâtre Outremont, le 27 novembre.