Mardi, le 21e album de Julien Clerc, Où sont les avions? a atterri sur les tablettes québécoises. Pour ces 12 chansons, le compositeur et interprète a fait appel à pas moins de sept paroliers...

Bien que les entrevues se succèdent, Julien Clerc semble d'excellente humeur, au bout du téléphone, de l'autre côté de l'Atlantique. Le chanteur, qui aura 61 ans samedi prochain, rit pour un oui pour non, précise, explique, confirme...

Il confirme par exemple que, non, ça ne donne pas les mêmes chansons selon que l'on parte du texte ou de la musique: «Quand je compose une musique que je remets à un parolier, celui-ci est nécessairement obligé d'écrire en fonction de la mélodie, au pied près. Quand, au contraire, je fais une musique à partir d'un texte qu'on me donne, je me sens une grande liberté, une plus grande facilité, car je peux ajouter des ruptures de rythmes, ralentir la cadence, etc.»

C'est ce qu'il a fait en partant ou en recevant des textes de Gérard Manset, Maxime Le Forestier, Benjamin Biolay (coréalisateur du disque, et qui joue également de plusieurs instruments), Carla Bruni, etc.

«Cela surprend toujours, mais quand je lis un texte de chanson, je le lis rapidement, en attendant la ligne qui me semblera une fulgurance, une trouvaille. C'est là qu'il faudra que la mélodie monte ou serve d'accroche, selon ce que cette ligne m'aura inspiré.»

Que la mélodie monte, Julien Clerc en a fait une signature: à titre de compositeur ou d'interprète, il aime les notes hautes. «C'est ce qui me vient naturellement, surtout quand je compose à partir d'un texte parce qu'alors je compose avec ma voix, en chantonnant. Et même quand cela donne quelque chose de compliqué et que j'essaie autre chose ensuite, rien à faire: les notes se sont imposées! Pour Restons amants, Maxime (Le Forestier) a fait le texte, puis moi, la musique (NDLR: tous deux ont enregistré la chanson sur leur disque respectif).

«Or, depuis le début, Maxime n'entend pas la mélodie comme je l'ai écrite (rires). Quand il est passé à la maison et que je la lui ai fait entendre, je lui ai dit «pardon, oui, il y a encore des notes assez hautes, etc.» Maxime repart et m'envoie un texto deux heures plus tard: «Un type normal peut tout à fait chanter cette chanson... deux tons plus bas.» Ce qu'il a fait pour sa version. Mais que j'ai enregistrée, moi, comme je l'entendais. Plus haut!»

«Pour moi, chanter des notes hautes, c'est le défi, explique-t-il. Comme cela l'est de chanter dans leur tonalité originale des chansons que j'ai créées quand j'avais 22, 23, 24 ans. C'est du travail, mais c'est bien: c'est une façon de contrer le temps...»

Lui-même auteur-compositeur-interprète reconnu, Benjamin Biolay (lui et Julien Clerc ont aussi collaboré au dernier album d'Isabelle Boulay) a accepté de réaliser Où vont les avions? avec sa fidèle acolyte Bénédicte Schmitt, souvent tenue, hélas! dans l'ombre de Biolay: «Elle seule est capable de mettre en son les pulsions musicales de Benjamin, reprend Clerc. C'est un surdoué de la musique: il peut dire «j'entends ici un trombone», et il torche en dix minutes une partition pour trois trombones, que Bénédicte va monter rapidement!»

C'est Biolay qui a exigé que, pour la première fois sur disque, Julien Clerc joue lui-même du piano, puisque c'est au piano qu'il compose.

«Je sais bien que j'ai une touche personnelle, mais enfin, je lui ai souvent demandé si on n'aurait pas été mieux avec un «vrai» pianiste (rires). Vous trouvez que la musique que j'ai composée pour Dormez (la plus belle chanson du disque) rappelle un peu Bach? C'est bien possible, peut-être à cause des arpèges... Benjamin m'a également dit que j'avais composé certaines suites chromatiques «complètement Schubert» - eh bien, dites donc, du Schubert, ce n'est pas rien (rires).» Pour ce disque, manifestement, Julien Clerc a pris certains risques. Comme faire appel à la photographe-peintre Marie Taillefer, qui lui a concocté un livret magnifique.

«Parmi tout ce que la maison de disques me proposait comme photographes - qui sont tous des photographes de mode - c'est la seule qui avait quelque chose d'un peu différent, très poétique... Sauf que ces modèles étaient très maquillés. Je lui ai donc demandé de me maquiller moins: pas de rouge à lèvres ou de cheveux bleus. Et au final, conclut Julien Clerc en riant, je n'ai pas de rouge à lèvres. Mais elle m'a peint les cheveux bleus!»