Les concours dans le rétroviseur, la consécration dans la mire. Entre les deux, une Amélie Veille qui roule, bon an, mal an, sur la route du showbizz, en marge des voies rapides où dérapent les vedettes instantanées.

«Ce métier m'a permis de faire un cheminement artistique, personnel et spirituel. C'est incroyable ce que j'ai appris et ce que je con­tinue d'apprendre. (...) C'est un milieu où il y a beaucoup de superficialité, mais aussi beaucoup de profondeur.»Ma dernière rencontre avec Amélie Veille remonte à janvier 2003. Forte d'une série de prix récoltés çà et là, elle se préparait alors à enregistrer son premier album. Entre deux spectacles, elle philosophait sur ce qui l'attendait, avec un mélange de maturité précoce et de naïveté non feinte.

Cinq ans plus tard, ce n'est plus tout à fait la même femme qui est assise devant moi, dans le salon du Petit Champlain. À travers des yeux brillants, des sourires francs ou un pied battant une improbable mesure se révèle une jeune femme qui a mûri et qui vit désormais de son art. À 27 ans, elle a déjà un riche bagage, fait de bons coups - et quelques fois de moins bons - qui lui ont permis de se positionner dans le milieu de la chanson.

«Mon point de vue sur le métier a changé avec le temps, confie-t-elle. Je pensais qu'une réussite, c'était vendre 50 000 ou 100 000 albums, avoir son visage placardé partout et passer à la télé. Je me suis rendu compte que ma satisfaction ne vient pas de là. J'aime écrire et partir sur la route, mais j'adore le contact avec le public durant les spectacles ou après, lorsque les gens viennent me rencontrer ou quand ils m'envoient des courriels pour me partager ce qu'ils ont vécu avec mes chansons.»

La création comme refuge

Père absent, fille artiste. L'équation a des airs de psychologie à rabais. Pourtant, chez celle qui est née Amélie Veilleux, ceci semble expliquer cela. Fille unique, elle a poussé à Saint-Georges de Beauce, seule avec sa mère durant les huit premières années de sa vie. Très tôt, l'art a pris pour la fillette la forme d'un heureux refuge.

«Je suis sûre que le dessin, le théâtre ou la chanson que je faisais seule, dans mon sous-sol, ont eu un gros impact (sur mon choix de carrière). Et l'écriture, quand t'es seule, c'est précieux... J'avais donc tout le temps et tout l'espace pour m'exprimer.»

L'attirance d'Amélie pour les arts n'a rien d'éphémère. Au primaire, elle se joint à une chorale, Les Rossignols, pendant deux ans, puis au secondaire, elle forme des groupes de musique rock, ce qui la mènera éventuellement à signer ses propres compositions et à tenter sa chance en solo. Parallèlement, l'artiste en herbe s'astreint à tenir un journal intime - une habitude qu'elle n'a pas perdue.

«J'ai commencé ça très tôt, mais c'est surtout au secondaire que je l'ai fait de façon plus sérieuse. Je me suis demandé parfois à quoi servait ce journal, et je me suis rendu compte que ça libère. Ça met de l'ordre dans les pensées, et il y a des idées de chansons qui sortent de là.»

Écriture

Lorsque l'université se profile à l'horizon, Amélie opte logiquement pour la littérature. Elle se lasse toutefois d'observer comment les écrivains se réunissaient dans des cafés pour écrire ou échanger. C'est plutôt elle qu'elle souhaite voir manier la plume, non loin de sa guitare. Le résultat ne se fait pas attendre. Sur son album éponyme (2003), réalisé par Marc Pérusse, elle couche les constats qu'elle fait au lendemain de sa vie d'adolescente. Puis, avec sa deuxième galette, Un moment ma folie (2006), façonnée avec Toyo, elle s'attarde aux relations humaines et amoureuses.

«Après ce disque, j'ai connu une assez longue période où je n'ai pas écrit de chansons. Richard Séguin racontait un jour à la radio que Félix Leclerc lui avait donné un conseil : "Quand la mare est trouble, attend qu'elle s'é­clair­cisse". C'est un excellent conseil et c'est ce que j'ai fait.»

Qu'en est-il sorti? On le saura précisément au printemps 2009, lorsque Amélie fera paraître sa troisième galette - la deuxième sur son propre label, Vivamusik. On risque de découvrir la musicienne dans un autre contexte musical, puisqu'elle a décidé de s'attirer les services de Stéphane Rancourt (Pascale Picard Band) à la réalisation et du guitariste Jérôme Hébert, qui est directeur musical pour Alexandre Désilets. Celle à qui on a déjà reproché le caractère trop poli de ses interprétations compte rajuster le tir : elle se donnera tout entière.

«Je crois que je voulais que tout soit trop parfait. Une note croche ici ou un bruissement sur la guitare, ce n'est pas grave si l'émotion est là. Il y a aussi ce paradoxe : tu veux déranger, mais pas trop. Il fallait casser ça. Je crois que j'avais un réflexe d'autoprotection. Mais quand tu chantes, il ne faut pas que tu te regardes chanter, il faut que tu sois entièrement là, que tu t'abandonnes.»