Le chef d'oeuvre sorti du tiroir: l'immense songwriter canadien Neil Young sort vendredi Hitchhiker, un album acoustique inédit enregistré en une nuit, le 11 août 1976, qui se révèle être un des sommets de sa discographie déjà très riche.

Hitchhiker, enregistré quasiment dans le plus simple appareil - une guitare, un harmonica et un piano - comporte dix titres. Huit d'entre eux sont déjà connus, Young les ayant réenregistrés dans différentes versions pour d'autres albums à venir. Il en va notamment de Pocahontas et Powderfinger présents sur Rust Never Sleeps (1979) ou encore Hitchhiker repris dans Le Noise (2010).

Mais écouter dans leur format originel ces chansons et découvrir les deux autres (Hawaii, Give Me Strentgh) totalement inédites, rappelle à quel point au milieu des années 70, l'auteur-compositeur aux cheveux longs et raides était au sommet de son art. Il venait en deux années fastes de sortir trois albums qui s'étaient imposés comme des classiques instantanés du folk-rock: On The Beach (1974), Tonight's the Night (1975) et Zuma (1975).

Cette performance, Neil Young l'a réalisée à l'Indigo Ranch Studio, sur les hauteurs de Malibu. Avec pour seuls compagnons, son producteur sonore attitré, David Briggs, son ami l'acteur Dean Stockwell (Le génie du mal, Paris Texas) et «l'herbe, la bière, la cocaïne pour les moments de pause», décrit-il dans son autobiographie «pecial Deluxe parue en 2014.

Vendredi dernier, celui que ses fans surnomment «the loner» s'est invité au micro de la radio publique du Colorado KOTO, pour raconter cette nuit d'été californienne pas comme les autres. Diffusée sur son compte Facebook, la vidéo d'environ dix minutes montre l'artiste de 71 ans lisant ses souvenirs couchés sur deux feuilles de papier A4.

«Mon idée à l'époque était de présenter ces nouvelles chansons sous leur forme la plus pure et la plus simple», dit-il. «J'aime ces vieux albums de Bob Dylan, Woody Guthrie, Robert Johnson, Lead Belly et d'autres artistes folk. J'avais une profonde connexion avec ce mouvement. Ces influences restent ancrées en moi aujourd'hui.»

«Fortes vibrations»

«J'étais excité à l'idée d'enregistrer ces titres, je me sentais vraiment bien lors de cette session, poursuit-il. J'ai fumé un peu d'herbe avec Dean et nous nous sommes installés dans la petite pièce où j'allais jouer et chanter. J'ai accroché le capodastre à ma guitare. "Prêt Briggs?", lui ai-je demandé. Installé à la console de mixage, il a hoché la tête derrière la vitre en guise de oui.»

Young énumère alors chaque chanson et délivre quelques anecdotes.

Où on apprend que Pocahontas et Powderfinger devaient apparaître dans Zuma, mais n'avaient finalement pas été retenues. Que Hawaii et Give Me Strength ont été écrites après sa séparation d'avec l'actrice, aujourd'hui décédée, Carrie Snodgress (Furie, Pale Rider), la mère de son premier fils Zeke.

À propos du morceau Hitchhiker, Young suggère: «Vous pourriez peut-être entendre la drogue commencer à faire effet ici».

«Il était 2h du matin quand on a fini la session, enchaîne-t-il. On l'a fêtée, on savait qu'on venait de faire un sacré truc. Après, nous sommes partis tous les trois au bord du Pacifique voir la pleine lune s'y refléter, c'était magnifique. Les vibrations étaient très fortes, je les ressens encore aujourd'hui.»

Young assure être «heureux d'enfin partager cet album» avec ses fans. Mais il est difficile de savoir pourquoi cet artiste toujours aussi prolifique a décidé de se plonger dans son passé. La réponse est peut-être dans la chanson Campaigner, décrite comme «une charge politique contre Richard Nixon». Aurait-elle trouvé chez cet activiste de gauche un écho sous l'ère Donald Trump?

En revanche, pour connaître la raison qui l'a conduit à ne pas sortir cet album il y a 41 ans, il faut se référer à ses mémoires Special Deluxe: «j'étais pas mal défoncé sur ces enregistrements et ça s'entend dans mes performances», écrivait-il.