Nos journalistes dévoilent leurs choix des 10 albums de l'année presque écoulée (en ordre alphabétique).

Antoine Corriveau, Les ombres longues

Sur Les ombres longues, Antoine Corriveau visite la rupture - amoureuse et sociale - dans une prose franche et profonde.

Harmonica au bec, guitare au poing, le musicien a forgé un disque brut et pesant, qui résistera au temps et aux tumultes.

Affranchi de ses influences (Jean Leloup, Tom Waits, Nick Cave), l'auteur-compositeur-interprète assoit un folk-rock d'une qualité et d'une authenticité rarement atteintes au Québec ces dernières années.

- Charles-Éric Blais-Poulin

Caribou, Our Love

Pour son quatrième album sous le pseudonyme Caribou, notre docteur en mathématiques a sciemment simplifié ses équations.

Daniel Snaith a souhaité faire danser, fredonner, rêvasser, taper du pied, hocher du crâne. Il a recruté le surdoué Owen Pallett afin de parfaire ses formes chansonnières; il a aussi embauché la chanteuse et réalisatrice Jessy Lanza qui vit dans la même zone soul-pop-électro.

Caribou a gagné ce pari risqué: élargir son auditoire sans s'aliéner ses fans de la première heure.

- Alain Brunet

Flying Lotus, You're Dead!

Avant-jazz, jazz-fusion, avant-rock, avant-soul/R & B, hip-hop abstrait et plus encore. Flying Lotus ne peut être associé exclusivement à la musique électronique, sauf sur scène puisqu'il s'entête à s'y produire seul alors que tant de mélomanes souhaitent le voir à la direction d'un orchestre de plusieurs musiciens.

You're Dead!, son sixième album studio, comporte assez de matière pour que l'on puisse conclure à un travail de haute volée.

L'intégration des genres, des lutheries et des interprètes y est dynamique, équilibrée, créative, innovante, visionnaire.

- Alain Brunet

Lana Del Rey, Ultraviolence

Après deux albums foncièrement pop, Lana Del Rey a enregistré Ultraviolence à Nashville avec Dan Auerbach des Black Keys.

Minimaliste et très axée sur les guitares, cette collaboration nourrit à merveille le mystère qui alimente le personnage pop de Lana.

Les cordes d'un rock doux et la langueur des mélodies ne font qu'un avec la voix suave de la chanteuse.

On nage en pleine ivresse mélancolique et dans un spleen glamour contemporain.

- Émilie Côté

Joyce DiDonato, Stella di Napoli

S'il existe aujourd'hui une chanteuse capable de faire tomber l'auditeur en bas de sa chaise, c'est bien Joyce DiDonato.

Avec Stella di Napoli, l'impériale mezzo-soprano pousse la virtuosité à son paroxysme et prouve une fois de plus son intelligence comme interprète.

Parmi la sélection d'airs de bel canto qu'on y trouve, les oeuvres de compositeurs bien connus - Donizetti, Bellini, Rossini - côtoient des raretés qui s'avèrent des joyaux.

Trois oeuvres sont enregistrées en première mondiale, dont un air éblouissant de l'opéra de Giovanni Pacini qui donne son titre au disque.

- Caroline Rodgers

Philippe B, Ornithologie, la nuit

On compte sur les doigts d'une main les jeunes auteurs-compositeurs-interprètes d'ici ayant atteint cette maîtrise.

Maîtrise du français (québécois de bon aloi), maîtrise de l'image poétique, maîtrise de l'observation humaine, maîtrise des émotions qui s'infiltrent dans les canaux de ses lettres et de ses sons. De surcroît, maîtrise du folk de chambre.

Un tantinet plus modeste d'entrée de jeu que les Variations fantômes, le chapitre suivant confirme le talent pérenne de Philippe B.

Ornithologie, la nuit se décante sur des variations plus simples, mais ô combien concluantes.

- Alain Brunet

Run the Jewels, Run The Jewels 2

Il a fallu attendre la fin de l'année pour avoir LE bijou hip-hop de 2014 et c'est tout à l'honneur de Killer Mike et El-P, alias Run the Jewels.

Partant du constat que la classe prolétaire était sous-représentée dans le rap, le binôme fait un retour dans le temps avec un opus qui rappelle le style de Public Enemy dans les années 90.

De la violence policière (Early) au titre plus personnel (Crown), tous les sujets sont abordés. Avec Run the Jewels 2, le tandem nous offre un album sombre et culotté mais libre et excitant.

- Erika Peter

Sun Kil Moon, Benji

Vrai que Mark Kozelek, l'artiste qui se cache derrière ce Sun Kil Moon, est un être humain peu attachant. Mais voilà: son travail musical, lui, est criant de vérité.

L'artiste se dénude totalement sur son sixième album, nous racontant les histoires à la fois belles et déchirantes de son passé familial, de même que les travers de la société américaine.

La formule folk préconisée - guitare sèche, rarement électrique, tambourin, basse éloignée, batterie peignée - permet une écoute optimale des histoires entendues.

Sans surprise, on replonge inlassablement dans ce Benji.

- Philippe Beauchemin

Tanya Tagaq, Animism

Prix Polaris 2014, Tanya Tagaq a probablement offert la plus importante contribution autochtone au domaine des nouvelles musiques mondiales.

De concert avec le violoniste Jesse Zubot et le batteur Jean Martin, superbes interprètes et improvisateurs férus d'électro et d'effets sonores, cette trentenaire polaire se poste au confluent du jazz actuel, du punk hardcore, du folk indie, du jeu de gorge inuit.

Ancienne et moderne, traditionnelle et avant-gardiste, spirituelle et animale, ange et démone, elle construit un art des extrêmes dont l'album Animism illustre la maturité et la singularité.

- Alain Brunet

Timber Timbre, Hot Dreams

Le concept même de musique americana, union sacrée des styles fondateurs que sont le blues, le folk, le country et le rock, est réaménagé par Timber Timbre dans l'album Hot Dreams. La pop de chambre de cet excellent groupe montréalais y atteint sa pleine maturité.

L'auteur-compositeur-interprète Taylor Kirk, le guitariste et multi-instrumentiste Simon Trottier et leurs collègues y recueillent des échantillons d'Amérique.

Les injectent dans leurs rêves, leurs transes, leurs fantasmes. Les arrangements électro, jazzy, lounge ou ambient élèvent ces chansons en haute altitude.

À leur bord, des vues imprenables sur le territoire et les êtres qui y circulent.

- Alain Brunet