Braids a survécu au buzz suscité par Native Speaker, son album paru en 2011. Réduit à un trio, le groupe montréalais lance mardi Flourish/Perish, un disque soigné, empreint de vulnérabilité et au son franchement plus électronique.

Chant fragile, atmosphères texturées, pulsations électroniques parfois oniriques, Braids ne correspond en rien à ce qu'on imagine lorsqu'on parle d'un band de garage. Mais c'en est un. Son quartier général se trouve justement dans un de ces garages à la peinture écaillée qui bordent les ruelles du Mile End.

On n'y entre pas par la grande porte, mais par une toute petite qui donne sur la cour de l'immeuble où Raphaelle Standell-Preston, Austin Tufts et Taylor Smith, tous originaires de Calgary, partagent un appartement. «On l'a insonorisé et on a installé le chauffage en janvier 2012», raconte Austin.

Braids a passé des semaines dans ce refuge pour créer une suite à Native Speaker, album de pop atmosphérique vibrante remarqué dans le circuit indie en 2011. Le lieu, exigu et encombré sans être étouffant, éclaire la direction artistique prise par le groupe.

«L'espace a assurément eu un impact sur le genre de disque qu'on a fait, confirme le batteur. On a certainement eu envie d'aller dans une voie plus introspective.»

Flourish/Perish, de fait, sonne comme s'il avait été créé dans un cocon, dans un lieu coupé du monde. Ses 10 morceaux forment une bulle de pop à la charge émotive étonnante compte tenu qu'il mise sur des synthétiseurs et une lutherie numérique. Taylor et Raphaelle n'ont pratiquement pas touché à leurs guitares pendant l'enregistrement.

Mutation hivernale

La mutation électronique envoie Braids dans une galaxie voisine de celle où le groupe évoluait auparavant. Des passages évoquent de façon plus ou moins lointaine Cocteau Twins et Purity Ring (sans le côté abrupt et syncopé). Flourish/Perish a aussi un côté hivernal qui fait penser à Vespertine de Björk, les sautes d'humeur en moins.

«Ce qui a changé notre orientation musicale, c'est surtout la musique qu'on a écoutée en tournée, nuance toutefois Austin. Alex (Cowan, leur directeur de tournée) nous a fait écouter beaucoup de musique électronique allemande underground qu'on n'avait jamais entendue avant.»

Contrairement à Native Speaker, qui avait été enregistré live, Flourish/Perish a été composé à l'ordinateur, des écouteurs vissés sur la tête, un mode de composition qui permet plus de recul, selon Braids.

«On a eu la possibilité de s'asseoir, d'apprécier chaque son, chaque piste à sa juste valeur. La fragilité vient aussi de là: on n'a pas tenté de masquer quoi que ce soit.»

Vulnérabilité

In Kind et Amends, les deux nouvelles chansons que le groupe a dévoilées en juin, sont en effet empreintes d'une grande vulnérabilité. Qui passe surtout par le chant plus ouvert, gentiment tournoyant de Raphaelle. «On a enregistré les voix en une, deux ou trois prises, alors que pour Native Speaker, on a dû faire quelque chose comme 200 prises de Lemonade. À mon avis, ça a tué l'émotion sur le plan vocal.

«Je crois que (cette fois) on a capté l'émotion première, la plus sincère et la plus crue, ce qui donne aux enregistrements cette vulnérabilité, poursuit-elle. J'ai mûri et je suis plus à l'aise à l'idée de me dévoiler. Je l'étais assurément plus de le faire dans cet endroit-ci, avec Austin et Taylor.»

Braids a maintenant un nouveau défi dans sa ligne de mire: adapter ses nouvelles chansons à la scène. «On a fait une tournée en jouant les chansons exactement comme sur le disque et c'était très mauvais, juge Austin. L'émotion ne passait pas.» Le disque fini, le trio s'affaire donc à réarranger ses morceaux.

La six-cordes, mise de côté au début du processus d'écriture de Flourish/Perish, reviendra dans le paysage sonore de Braids. Raphaelle ne laisse planer aucun doute: «Je m'ennuie de ma guitare.»

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