Pearl Jam aura 20 ans en 2011. En prévision de ce qui générera (ce n'est qu'une intuition...) une tournée anniversaire, Sony-BMG procède à la complète réédition de la discographie du groupe, à commencer par Ten, l'un des albums rock marquants des années 90. Dépoussiérons.

À l'origine réalisé par Rick Parashar - l'un des quelques réalisateurs marquants de l'ère grunge, il a rafistolé les albums d'Alice In Chains et l'unique classique du supergroupe Temple of the Dog -, le Ten nouveau est passé entre les mains de Brendan O'Brian, fidèle complice du groupe depuis VS., réalisateur encore très en demande qui redonne un peu de modernité au souffle se dégageant des chansons de ce premier album.

 

Le grunge, on le sait (et n'en déplaise aux Creed, Nickleback et autres groupes rock ayant manqué le train), est moins un genre musical qu'une scène, presque une attitude. En tous cas, un moment précis et déterminant dans l'histoire du rock. C'est le son qui a éjecté le power rock corporatif de son orbite autour de la planète pop et qui a signifié aux rockers qu'ils avaient le droit d'être populaires tout en proposant un son différent, audacieux, qui ne répond pas forcément au diktats de l'industrie de l'époque.

Ainsi, dans la mouvance, Pearl Jam a été associé à cette scène bien qu'il n'ait jamais vraiment été le plus «grunge» des groupes grunge - à cet égard, Nirvana, bien sûr, Soundgarden et autres Mudhoney ont davantage moulé le son grunge, ceci expliquant sûrement en partie la longévité de Pearl Jam.

Moins punk dans les guitares que les autres chemises en flanelle, Pearl Jam étalait sur Ten une conscience et une maturité qui fascine encore aujourd'hui - de tous les groupes de l'époque, il fut sans contredit le plus engagé, socialement, politiquement. Outre les thèmes des chansons (Jeremy sur l'histoire véridique d'un jeune étudiant qui se suicide devant ses amis, Even Flow aborde l'itinérance, etc.), pour Pearl Jam, être rock et intense ne voulait pas dire faire le plus de bruit possible.

Le chanteur Eddie Vedder lui-même incarnait cette solennelle gravité qui impose le respect envers Pearl Jam: sur Ten, déjà, et sur scène comme nous avons ensuite pu le constater, le bonhomme en impose, et pas besoin d'un mur de guitares dissonantes pour s'en convaincre.

Ainsi, tout Pearl Jam est déjà défini dans cet album où piano, violons et guitare acoustique s'équilibrent avec les guitares électriques et le jeu dosé du batteur Dave Krusen. Certes, l'enveloppe rock a pris des rides, mais l'énergie y est encore intacte.

Surtout, les chansons sont là pour témoigner de la pérennité de l'album autant que du groupe. Once, Even Flow et Alive qui s'enchaînent en ouverture du disque réveillent d'heureux souvenirs, les Jeremy, Ocean et Porch avec lesquelles on renoue plus tard demeurent toujours d'excellentes chansons - la ligne de basse de Jeremy est sûrement l'une des ouvertures de chansons les plus symboliques des années 90.

Ten arrive chez les disquaires en quatre éditions différentes, serties avec plus ou beaucoup plus d'extraits inédits. La version double-CD (Legacy Edition) contient, en plus de la version remixée par O'Brian, six compositions inédites en versions démo. Avec la Deluxe Edition vient un DVD de leur performance à MTV Unplugged, alors que la Super Deluxe Edition rajoute un tas de bidules, comme une cassette (vous avez bien lu, la vieille 4 tracks!) de leur premier démo. Enfin, les audiophiles sauront trouver l'album en format vinyle.

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PEARL JAM

Ten (Legacy Edition)

Sony-BMG

*** 1/2