Le rock progressif québécois a vécu son âge d'or dans les années 70. Une compilation rend hommage à ces groupes musicalement ambitieux, qui n'ont pas toujours connu le succès escompté.

Ils s'appelaient Sloche, Morse Code, Maneige, Pollen, Ungava ou Dionysos. Ils avaient les cheveux aussi longs que leurs connaissances musicales étaient grandes. Et ils voulaient aller beaucoup plus loin que les conventions rock ordinaires.

 

Rejetons sophistiqués de la révolution pop, cousins plus ou moins germains des Yes, Genesis et autres Gentle Giant, les groupes progressifs québécois se sont multipliés dans les années 70. Certains s'inspiraient de la musique classique, d'autres du jazz, du folk, du «trad» québécois, du funk, du world beat ou de la musique électroacoustique. Mais leur ambition artistique, loin de la logique du 45-tours, ne s'est pas toujours concrétisée du côté des ventes. À quelques exceptions près, la plupart n'ont connu aucun succès commercial.

Oubliés? Pas tout à fait. C'est pour rendre hommage à cette «fabuleuse odyssée» que l'étiquette Gala lance aujourd'hui la compilation L'Ultime rock progressif du Québec. En deux disques et 30 morceaux, cette anthologie commentée (excellent livret, fourni et détaillé) et très bien construite offre un survol éclairant des différents groupes qui ont animé le mouvement. Il y a des évidences (Harmonium, Octobre, Maneige, L'Infonie, Contraction), mais aussi des formations moins connues (Pollen, Toubabou, Conventum, L'Engoulevent, Dionne-Brégent) et des raretés encore jamais été rééditées (Dyonisos, Sloche, Ungava).

«On parle rarement de rock progressif dans les livres sur la chanson québécoise. Comme si cela n'avait pas trop existé, déplore Jean-Pierre Sévigny, historien de la musique et cerveau de la compilation. Je trouvais important de réparer cette injustice. Je l'ai fait par devoir de mémoire. En partie pour me faire plaisir, et en partie pour les jeunes qui ne connaissent pas cette période et qui s'intéressent à des musiques plus créatives.»

Jean-Pierre Sévigny s'explique mal que le «prog» québécois soit ainsi passé à la trappe. Avec l'Angleterre et l'Italie, la Belle Province fut pourtant un des épicentres de ce mouvement musical international, donnant naissance à une surprenante quantité de groupes - d'où sortiront par ailleurs quelques grands noms comme Pierre Flynn, Serge Fiori, Raoûl Duguay (L'Infonie) et Claude Mégo Lemay (Céline Dion).

Le problème, c'est que la plupart de ces groupes étaient plus portés sur la musique que sur la parole. On peut supposer que les livres d'histoire les ont occultés: 1) parce qu'il n'ont pas eu de grand succès commercial, 2) parce qu'ils ne proposaient pas de message porteur, dans une époque profondément fleurdelisée. «Ils avaient une fibre québécoise, mais aussi une grande ouverture sur le monde. Ils ne s'intégraient pas vraiment à la marche nationaliste», résume Jean-Pierre Sévigny.

Tout cela a-t-il bien vieilli? Ça, c'est une autre histoire. Bien que tout à fait unique, le rock progressif québécois s'est inscrit dans un courant typique des années 70, avec une instrumentation typique des années 70 (ah, le fameux mellotron!). Si certains groupes, comme Conventum ou Dionne-Brégent, ont transcendé la mode «prog», d'autres, comme Pollen, Morse Code ou Contraction, peuvent sonner, disons...un peu démodés. Mais bon. C'est aussi ça, faire partie de l'histoire...

À noter que plusieurs albums ici représentés ont fait l'objet d'une réédition intégrale par l'étiquette ProgQuébec.

L'ULTIME ROCK PROGRESSIF DU QUÉBEC

Disques Gala