Depuis 10 ans, on a vu, et applaudi parfois, toutes sortes de Sting: le leader du groupe The Police, l'esthète ambitieux qui nous a présenté dans un aréna ses chansons dans des atours symphoniques, celui aussi qui, pour son plaisir et le nôtre, a fait équipe avec Paul Simon puis avec Peter Gabriel dans deux concerts mémorables.

À la salle Wilfrid-Pelletier, il y a cinq ans, Sting était accompagné uniquement de son band, mais ce concert «intime» ne fut pas mémorable. Non seulement Sting se contentait-il de faire le tour de son jardin sans nouvelles chansons à proposer, mais encore les versions qu'il nous offrait de ses meilleures compositions étaient pâles en comparaison de celles d'origine.

Hier soir, Sting s'est présenté au Métropolis avec un nouvel album, 57h and 9th, dans lequel, dans la toute première chanson, I Can't Stop Thinking About You, il s'adresse à la muse qu'il a sans doute cru avoir perdue au fil des ans. C'est justement la première des sept chansons de son nouveau disque qu'il nous a servies hier, après une généreuse séquence de ses succès, avec The Police et en solo, initiée par l'énergique Synchronicity II. Cette nouvelle chanson qui sonne d'ailleurs comme The Police a été accueillie (presque) aussi chaleureusement que les classiques de l'artiste britannique, donnant le ton à cette soirée réjouissante.

Au milieu du spectacle, après une Message In a Bottle saluée par une longue ovation, Sting a cédé l'avant de la scène à son fils Joe Sumner qui, armé de sa guitare acoustique, s'est lancé avec témérité dans Ashes To Ashes du regretté David Bowie, prouvant une fois de plus que l'enfer est parfois pavé de bonnes intentions. Heureusement, ce n'était qu'une mise en bouche pour 50 000, une nouvelle chanson sur l'adulation qui est le lot de la rock star, inspirée à Sting par les nombreux collègues et amis musiciens qu'il a perdus en 2016.

Toujours vivant

Sting lui-même est bien vivant à 65 ans. Pas seulement parce qu'il a enfin accouché d'un album de nouvelles chansons, mais parce qu'il prend un plaisir manifeste à piger dans son vaste répertoire, récent comme ancien. Il ne se contente pas de régurgiter ses chansons platement, comme il l'avait fait à Wilfrid-Pelletier.

Spirits In the Material World donne toujours dans la pop reggae, mais elle a désormais une énergie plus rock grâce à un solo de Dominic Miller. L'intro d'Englishman in New York n'est pas reconnue tout de suite par les fans puis la basse de Sting vrombit, il se met à faire des wo-o-o et le public embarque à sa suite.

Après avoir mêlé ses musiciens aux armées de Paul Simon et de Peter Gabriel, Sting donne l'impression d'avoir pris goût aux réunions de famille sur scène. Il nous avait dit l'automne dernier qu'il partirait en tournée avec une simple formation rock, les guitares de Dominic Miller et de son fils Rufus, et la batterie de l'ex-Nine Inch Nails Josh Freese, mais comme il est un peu rusé sur les bords, le chanteur et bassiste s'est servi abondamment des voix de son fils Joe et des joyeux Last Bandoleros, qu'on avait vus en première partie de programme, et surtout de leur ami accordéoniste pour donner de nouvelles couleurs à des choses comme She's Too Good For Me et même, belle surprise, l'exquise Fields of Gold dont le solo d'accordéon qui s'était substitué à la guitare acoustique a été chaudement applaudi.

Mais, on ne vous le cachera pas, ce sont encore les pépites d'il y a près de 40 ans, les Roxanne, So Lonely et autres Message In a Bottle qui ont fait délirer le Métropolis, suivies de près par la plus exotique Desert Rose, étonnamment bien servie dans cette configuration rock.

Sting en semblait fort aise, lui qui, en début de spectacle, a rappelé en français à ses plus jeunes fans qui n'étaient pas encore nés que la première fois qu'il avait joué à Montréal, c'était en 1979 au Théâtre St-Denis.

Sting n'est plus le jeune rocker de l'époque, mais sa flamme n'est pas éteinte pour autant. Les quelque 2000 spectateurs qui étaient au Métropolis hier peuvent en témoigner.