Après le grand retour sur disque, le grand retour sur scène. Six mois après avoir lancé l'album de la résurrection, vendu en France à plus de 700 000 exemplaires, Renaud faisait sa grande entrée parisienne hier soir, au Zénith, devant une salle vendue d'avance et surtout, extraordinairement tolérante.

Le personnage est toujours aussi attachant. Malgré le jeans, le t-shirt noir et l'éternel blouson de cuir, celui qui se fait désormais appeler «le Phénix» dégage la même tendresse et la même vulnérabilité. On le sent amoindri, résultat de ses longues années de démons et d'alcoolisme. Mais il s'en est sorti et le claironne d'ailleurs fièrement sur Toujours debout, la chanson qui l'a remis en selle.

Pour la voix, par contre, c'est une autre histoire. Et c'est, en partie, ce qui frappait hier soir.

Disons-le franchement: Renaud chante comme une vieille «deux-chevaux» à laquelle il manquerait une roue. La conduite est cahoteuse, souffreteuse, et il y a des nids-de-poule à tous les refrains.

Devant cette musicalité écorchée, des touristes japonais, incrédules, se seraient sans doute enfuis après deux morceaux. Mais pour une grande partie du public présent hier soir, tout était clair. Il s'agissait avant tout de retrouvailles avec un vieux pote, un oncle, un survivant et un revenant. La question ne se posait pas: il fallait l'accueillir à bras ouverts, par loyauté. Par amour. Par nostalgie. Pour bien lui montrer qu'il avait bien fait de ressusciter, peu importe dans quel état.

Des bémols? À peine. Rencontrées pendant le concert, Sophie et Marine, la jeune vingtaine, n'avaient que de bons mots pour ce «Mister Renard» qu'elles voyaient pour la première fois. «Je le trouve quand même en forme... sa voix déraille un peu, mais ce n'est quand même pas Adele, on n'attend pas qu'il chante de l'opéra.»

«Renaud, on est nés avec. On lui pardonne tout, il est formidable», déclarent Céline et Stéphane, fans depuis la fin des années 70.

Assis un peu plus loin, Sébastien était le seul à exprimer sa déception, lui qui a déjà vu le chanteur à la fin des années 90. «Il faut être tolérant, mais c'était quand même mieux quand il chantait bien», dit-il, avec un sourire gêné.

«Deux-chevaux» ou pas, il faut quand même admettre que le répertoire de Renaud tient la route. Si ses nouveaux morceaux sont capables du meilleur (Les mots, Hyper Cacher) comme du moins bon (J'ai embrassé un flic), ses vieilles chansons, elles, n'ont rien perdu de leur esprit. Émue, la foule s'en donnait d'ailleurs à «choeur joie» sur les anciens succès, enterrant presque le chanteur pendant Morgane de toi et Mistral gagnant, deux moments forts de la soirée. Finalement, beaucoup de ballades (Manu, En cloque), quelques chansons irlandaises, un peu de rock (Marche à l'ombre) et deux ou trois brulôts contestataires (La médaille, Le déserteur), réminiscences du Renaud antimilitariste qui ruait jadis dans les brancards.

Inégal mais touchant, ce retour sur scène confirme l'immense popularité du chanteur en France, où il semble désormais jouir d'une immunité complète. Les fans suivront ce Renaud en toute indulgence, et sans doute le mérite-t-il. Reste à voir s'il gardera le cap: une centaine de dates sont prévues pour cette tournée française, qui se terminera en février 2017. Puis, logiquement, dans d'autres contrées francophones. Gros défi pour un moteur fatigué.

Quelques chansons du concert

- Toujours debout

- Les mots

- Hyper Cacher

- Morgane de toi

- Mistral gagnant

- Manu

- En cloque

- Le déserteur