L'idée lumineuse qu'avait eue Paul Simon de monter un spectacle conjoint avec son ami Sting a été poussée un cran plus haut par le même Sting et un autre pote du nom de Peter Gabriel devant 16 460 spectateurs comblés, hier au Centre Bell.

On savait que ces jumeaux tantriques - l'expression est de Gabriel, le blagueur - ont toujours eu une volonté affirmée de mettre leur art au service d'une cause, comme ils l'ont fait naguère en chantant pour Amnistie internationale. Mais on ne se doutait pas à quel point ces deux Anglais francophiles étaient prêts à partager leur musique dans cette tournée intitulée Rock Paper Scissors.

On en a eu la preuve éclatante quand Sting - le culotté - s'est mis à chanter l'intro de Dancing With The Moonlit Knight de Genesis. Le public n'en croyait pas ses oreilles, l'ami Gabriel ayant depuis longtemps laissé au vestiaire les chansons de son ancien groupe. L'effet de surprise opérait toujours quand Sting s'est lancé dans une version ultra énergique de Message in a Bottle, lui qui n'a jamais boudé le répertoire de The Police. Les plus futés des fans auront peut-être vu dans cette juxtaposition un commentaire sur le Brexit, mais l'heure était surtout à l'extase que procurent parfois les shows rock exceptionnels.

Jusque-là, c'est Peter Gabriel, plus théâtral que Sting, qui semblait avoir la faveur de la foule par une marge infime. Mais ce n'était surtout pas une compétition, tant Sting prenait son pied à chanter Shock the Monkey, comme Gabriel allait tout naturellement prêter sa voix à la douce Fragile et à Englishman in New York.

Non, ce n'était pas un concours de popularité, mais on avait la nette impression que l'un stimulait l'autre.

En tout cas, il y a longtemps qu'on n'avait vu Sting et Peter Gabriel, séparément, aussi convaincants qu'hier soir.

La joie s'emparait de leurs fans quand Gabriel, Tony Levin et David Rhodes jouaient les derviches tourneurs pendant Secret World, et ça virait carrément au délire pendant la joyeuse Solsbury Hill servie par les deux stars et toute leur bande. Ce public généreux a ovationné jusqu'aux héros obscurs comme le violoniste Peter Tickell, pendant Driven to Tears, qui a suivi la spectaculaire Secret World. Et il a même semblé apprécier la version bluesée tout en retenue et pas du tout dansante d'If You Love Somebody Set Them Free que Gabriel a empruntée à Sting.

C'était le genre de spectacle farci de grands succès mais dans lequel tout semblait permis, y compris le jumelage de l'immense Roxanne à Ain't No Sunshine de Bill Withers puis l'enchaînement avec une chanson inédite toute douce, Love Can Heal, que Gabriel a dédiée à la députée Jo Cox, assassinée récemment en Grande-Bretagne.

Au tour maintenant de nos amis du Festival d'été de Québec d'avoir le bonheur d'assister à cette fête musicale demain soir sur les plaines d'Abraham. Les chanceux. On leur souhaite du beau temps.

Consultez la liste des chansons

The Rhythm of the Heat (Peter Gabriel)

If I Ever Lose My Faith in You (Sting)

No Self Control (Peter Gabriel et Sting)

Invisible Sun (Sting et Peter Gabriel)

Games Without Frontiers (Peter Gabriel et Sting)

Shock the Monkey (Peter Gabriel et Sting)

Secret World (Peter Gabriel)

Driven to Tears (Sting)

Fragile (Sting et Peter Gabriel)

Red Rain (Peter Gabriel)

Dancing With the Moonlit Knight (Sting)

Message in a Bottle (Sting et Peter Gabriel)

San Jacinto (Peter Gabriel)

Walking in Your Footsteps (Sting)

Kiss That Frog (Peter Gabriel et Sting)

Don't Give Up (Peter Gabriel)

The Hounds of Winter (Sting)

Big Time (Peter Gabriel et Sting)

Englishman in New York (Sting et Peter Gabriel)

Solsbury Hill (Peter Gabriel et Sting)

Every Little Thing She Does Is Magic (Sting)

If You Love Somebody Set Them Free (Peter Gabriel)

Roxanne (Sting)

Love Can Heal (Peter Gabriel)

Desert Rose (Sting)

In Your Eyes (Peter Gabriel et Sting)

RAPPEL

Every Breath You Take (Sting et Peter Gabriel)

Sledgehammer (Sting et Peter Gabriel)