La Curemania a été ressuscitée l'instant d'une soirée hier au Centre Bell, lors d'un marathon d'environ trois heures (incluant quatre entractes!) durant lesquelles des milliers de fans ravis ont eu droit à une enfilade de tubes.

Au total, le groupe culte britannique a offert une trentaine de titres, la majorité puisée dans le répertoire de ses belles années. Ainsi, les pièces des albums The Head on the Door, Kiss Me, Kiss Me, Kiss Me et Disintegration ont rythmé la moitié du concert.

La dernière visite du groupe remontait à 2013 durant le festival Osheaga et s'était apparemment terminée un peu en queue de poisson à cause de problèmes techniques survenus en fin de concert.

La troupe de Robert Smith aura cette fois laissé en souvenir un sourire imprimé sur le visage des quelque 12 000 spectateurs présents âgés pour la plupart dans la quarantaine. Si certains avaient traîné leurs ados pour leur prouver qu'ils ont déjà eu une vie, d'autres étaient vêtus au goût du jour, avec des looks gothiques caractéristiques: maquillage noir, trench-coat et talons aiguilles vertigineux.

Le groupe écossais The Twilight Sad avait d'abord reçu le mandat de réchauffer l'amphithéâtre, pendant que les files s'allongeaient aux casse-croûtes, où l'on transvidait - apparemment à la demande du groupe - les bouteilles d'eau hors de prix dans des verres en plastique «pour des raisons de sécurité». «Ça arrive souvent dans des concerts de heavy métal», justifiait l'employée au comptoir.

Après tout, c'est bien connu, un meurtre à la bouteille de plastique est si vite arrivé!

The Cure, qui s'offre une tournée mondiale pour souligner ses 40 ans d'activité, est finalement monté sur scène un peu après 20 h 30, accompagné des premières notes de la planante Out of This World. Robert Smith, ses éternels cheveux ébouriffés, le fard à paupières noir et seul membre original du groupe, grattait la guitare au milieu de la scène, flanqué de ses acolytes Roger O'Donnell (clavier), Simon Gallup (basse) Reeves Gabrels (guitare) et Jason Cooper (batterie). Sans dire un mot, le groupe a enchaîné avec Watching Me Fall, un autre titre de l'album Bloodflowers.

La foule était alors calme, à l'image du groupe qui voulait sans doute brûler des pièces moins fédératrices au départ.

Le party a finalement décollé avec le succès Pictures of You, tiré de l'album culte Disintegration.

Dans l'allée tout près, un spectateur d'une soixantaine d'années s'est aussitôt levé d'un bon pour esquisser quelques pas de danse. Personne dans l'amphithéâtre n'était indisposé par ce genre de manifestations de joie spontanées qui se sont faites de plus en plus nombreuses.

Bien au contraire.

C'est drôle à dire, mais la musique du groupe phare de la mouvance new wave - malgré ses ambiances mélancolico-gothico-rock - avait quelque chose de réconfortant, voire réjouissant en ces heures médiatiquement sombres.

La preuve: le Centre Bell ressemblait à une grosse discothèque sur l'indémodable Lovesong, au moment où les premiers effluves de pot parfumaient l'amphithéâtre.

Impossible ensuite de ne pas taper du pied et de sourire bêtement pendant l'intro instrumentale de Push.

Les spectateurs sont demeurés debout et enthousiastes pendant les excellentes In Between Days et Just Like Heaven. Sur scène, Robert Smith se montrait enfin plus expressif.

Là, plus de doute, le party était officiellement pris et plus personne n'avait envie de s'asseoir - ajoutons à cela les jeux de lumière qui ont contribué à donner une saveur très pop à cette soirée nostalgique.

De rappel en rappel

Peu loquace, le chanteur a baragouiné quelques mots après une heure et quart de prestation sans interruption, avant d'enchaîner avec quelques chansons plus relaxes.

Après un premier rappel, le groupe est remonté sur scène avec It Can Never Be the Same, une nouvelle chanson, suscitant autant d'enthousiasme que des élections scolaires.

«Thank you!», a simplement lancé Robert Smith avant d'attaquer le deuxième rappel avec Never Enough, qui a eu le mérite de réveiller la foule qui commençait à caler dans son siège.

Du bonbon ensuite d'offrir la pièce Burn, popularisée sur la trame sonore du film The Crow, puis la vieille et intense A Forest, qui a de nouveau mis le feu aux poudres.

22 h 45. Le groupe revient une troisième fois, au son de la foule en délire. Le gars d'une soixantaine d'années dansait même a capella dans l'allée.

Vint alors sans doute LE moment tant attendu: Lullaby, dont l'interprétation a été partiellement enterrée par la foule en liesse.

Au moment d'envoyer ces lignes, le Centre Bell - en feu - vibrait au son d'une autre favorite, Fascination Street.

Grâce à nos redoutables contacts dans le milieu, nous savions hypothétiquement que d'autres morceaux emblématiques étaient au menu et que la finale allait s'avérer aussi prévisible qu'appréciée (ben oui, Close to Me et Boys Don't Cry... jouées lors du quatrième rappel! Respect, messieurs).

En somme, un concert prouvant une fois de plus hors de tout doute les vertus puissamment nostalgiques de la musique. The Cure a un son des années 80, un look des années 80, et on ne peut pas affirmer sans se mentir un peu que son chanteur est une bête de scène (il a dû prononcer deux phrases, figé derrière son instrument).

Mais qu'importe, si ça fait du bien.