Il sait chanter avec passion pendant deux heures et il a acquis une grande expérience de la scène, depuis ses premières visites à Montréal. Il a tenu en haleine la foule à ses pieds et donné un spectacle tout à fait digne du Centre Bell. Le tout grâce à des projections visuelles saisissantes et des musiciens qui ont donné un puissant relief sonore à ses tubes.

The Weeknd se produisait au Centre Bell, hier soir, devant 19 000 personnes. Il s'agissait du premier spectacle dans l'amphithéâtre du Canadien - hormis les matchs de hockey - depuis le tragique attentat du Bataclan, à Paris. L'événement affichait complet. Nous avons même vu des gens refoulés à l'entrée pleurer de déception.

Deux heures plus tard, nous avons vu des gens sourire et danser de satisfaction. Nous étions témoins de la communion d'un public et d'un artiste au son de son tube de l'été 2015 qui fait l'éloge des rapprochements sous l'effet de la drogue, I Can't Feel My Face.

Mais parlons d'abord des préliminaires. À 21 h 20, une sorte de big bang lumineux en noir et blanc a explosé sur l'écran géant transparent derrière lequel The Weeknd a chanté les premiers mots de Real Life. Perchés au fond de la scène sur une plate-forme, ses excellents musiciens avaient de la concurrence, alors que la foule poussait des cris stridents.

Depuis le virage pop et grand public réussi de son deuxième album studio, The Weeknd - né Abel Tesfaye de parents de l'Érythrée - est une star.

«Montréal», a lancé le Torontois avec un accent français en faisant quelques pas de danse pour lancer sa chanson Losers.

Très épris de ses chansons au micro, le chanteur R & B était dans une grande forme vocale. Les basses et les rythmes au souffle profond de ses tubes ont tôt fait de gonfler à bloc les spectateurs.

Une foule au sang jeune et chaud qui se projetait sans mal dans l'univers hédoniste, charnel et sous haute influence des chansons de The Weeknd.

Les pas de danse de The Weeknd ne sont pas aussi spectaculaires que ceux de son modèle Michael Jackson, mais la mise en scène de son spectacle avait tout ce qu'il faut pour plaire. Les éclairages en blocs amovibles et la plate-forme qui permettait au Torontois de chanter au-dessus de ses musiciens dissimulés par un écran - en tout ou en partie - créaient des vues d'ensemble habiles, puissantes et efficaces.

Il y a longtemps que Abel Tesfaye ne cache plus son visage et son identité, comme il le faisait à ses débuts, incognito, du temps où il était secrètement le protégé de Drake. Il a beaucoup gagné en assurance depuis son spectacle au Métropolis en 2012. Dès que le chanteur ordonnait à la foule du Centre Bell d'agiter le bras, celle-ci s'activait, notamment pendant le diptyque The Party & The After Party, tiré de son album House of Balloons, sorti en 2011.

Ajoutez à cela des jets de feu ou les premiers accords de guitares électriques de King of The Fall, et la foule... s'enflammait en un claquement de doigts.

Au début du spectacle, la foule a dansé sur Often, avant de reproduire le bras en l'air les rythmes gras de High For This. L'intro hip-hop de House of Balloons/Glass Table Girls a aussi échauffé les esprits. Pendant certaines pièces, dont The Morning, la musique enterrait la voix de The Weeknd. Avec l'intensité et les chansons qui se succédaient sans relâche, les spectateurs n'ont pas eu le temps de s'en formaliser.

«Comment ça va? Tu sais que je t'aime, right? a lancé The Weeknd à la foule après 40 minutes de spectacle. Mon Dieu, il y avait longtemps que je n'étais pas venu à Montréal. Chaque fois que je viens, les salles deviennent de plus en plus grosses.»

Après, le roi de la soirée a fait crier la foule avant de lui présenter ses musiciens et de lui balancer Tell Your Friends, extrait de son dernier album Beauty Behind the Madness sorti en août dernier.

L'intensité a augmenté d'un cran avec The Birds, Part 1 et ses projections visuelles nocturnes saccadées qui obnubilaient le regard.

Autre moment fort: la ballade Earned It, qui a bénéficié de la machine promotionnelle du film 50 Shades of Grey, ainsi que celle d'As You Are. Aussi au programme, des surprises, dont une reprise de Dirty Diana de Michael Jackson. The Weeknd a même fredonné sa chanson Montreal, tiré de son mixtape Echoes of Silence, qui échantillonne une chanson de France Gall écrite par Serge Gainsbourg, Laisse tomber les filles.

Travis Scott en première partie

Travis Scott, le petit ami de Rihanna, assurait la première partie du spectacle d'hier. Le rappeur réchauffera aussi sous peu la scène en Amérique du Nord pour sa copine Rihanna (et devrait donc revenir au Centre Bell le 6 avril), alors que The Weeknd se chargera des premières parties européennes de The Anti World Tour.

La preuve qu'Abel Tesfaye ne domine pas autant la scène musicale de l'autre côté de l'Atlantique. Mais le spectacle d'hier nous permet d'affirmer que cela ne saurait tarder.

The Weeknd a atteint le statut de phénomène, en attendant, peut-être - le temps nous le dira -, celui d'icône d'une génération.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, LA PRESSE