Stéphanie Lapointe nous avait invités à entrer dans sa bulle poétique. Chair de poule. Fous rires. Palpitations. Bonheur. C'était hier soir, au Cabaret du Mile End, qu'elle nous a tous hypnotisés.

L'artiste la plus authentique jamais sortie de Star Académie rodait le spectacle issu de son nouvel album, Les amours parallèles. Sur cet album, elle a fait appel à la crème des jeunes auteurs-compositeurs, notamment Philippe B, Philémon Cimon, Jimmy Hunt, Stéphane Lafleur et le groupe Forêt. Ils lui ont écrit tout un collier de perles magnifiques, à son image.

Entourée d'une choriste et de cinq jeunes musiciens dont la joie d'être sur scène était palpable, elle y allait tout simplement, magnétique dans la douce émotion de ses chansons d'amour. Naturelle, elle invitait ses collaborateurs à monter sur scène pour jouer avec elle. On a même eu droit à la visite d'Albin de la Simone, venu de France exprès pour le spectacle. Ils se sont installés au piano pour La fuite, sans doute l'une des plus belles chansons de la Simone.

C'était, on l'a dit, un spectacle de rodage, ce qui a donné lieu à de petites bévues techniques ou musicales plus charmantes que gênantes. Et quelques fausses notes, mais on s'en moque. Quand la chimie est là et que le courant passe, quand l'art est présent et nous traverse, quelle importance? Des moments comme celui-là sont si rares.

On lui aurait donné la lune pour qu'elle continue à chanter.

Au moment d'entamer De mon enfance avec Philémon Cimon, duo fleur bleue les yeux dans les yeux, la voilà prise d'un fou rire entre deux phrases. Son guitariste Joseph Marchand en profite pour remettre une couche en jouant les premières notes de Stairway to Heaven. On rit autant sur scène que dans la salle. Que Dieu bénisse l'imperfection.

On s'imagine Stéphanie Lapointe en être fragile. Avec sa petite voix, elle s'inscrit dans une tradition de chanteuses marquantes, de Françoise Hardy - sa source d'inspiration - à Coeur de pirate en passant par Jane Birkin. Les petites voix sont souvent un meilleur véhicule que les grandes pour faire passer la poésie, les textes forts et l'émotion. Elles portent une force d'une autre nature. On peut en dire autant de sa présence sur scène.

Première partie

On s'en voudrait d'oublier l'artiste invité en première partie, le pianiste et compositeur Martin Lizotte. Ce dernier était en nomination au dernier gala de l'ADISQ dans la catégorie Album de l'année, instrumental. Quelques mots sur le personnage dans le genre que l'on appelle en bon français un vrai «trippeux», sympathique créateur d'atmosphères. Ses compositions sont faciles à décrire: à la main gauche, des séquences de motifs assez répétitives, à la main droite, des ébauches de mélodies et des accords plaqués aux accents mystérieux. Erik Satie et Philip Glass ne sont jamais bien loin. Côté insolite et fou, c'est du solide.

À ses côtés, Mathieu Désy, multi-instrumentiste, joue de la contrebasse, des sons électroniques et des petits éclairages colorés. Se prennent-ils au sérieux? On l'ignore. Mais on pourra raconter à nos amis qu'on a vu, à Montréal, un pianiste jouer avec la moitié d'une boule disco sur la tête en guise de chapeau. Un élément de plus dans une soirée que l'on n'oubliera pas de sitôt.