Le guitariste Brian May l'avait déclaré sans détours au magazine Rolling Stone: le spectacle de la tournée Queen + Adam Lambert ne se résumerait pas à un cadeau pour les nostalgiques. Ce ne serait pas une répétition ni une imitation du passé, mais plutôt une nouvelle expérience avec un chanteur «vrai et excellent». La démonstration explosive en a été faite hier soir au Centre Bell avec Adam Lambert, une voix neuve qui n'est pas celle du légendaire Freddie Mercury, mais qui est à la hauteur du groupe dont la musique transcende les âges et les générations.

Avant même l'entrée des musiciens, un public de tous âges commence à taper des mains sur le fameux rythme de We Will Rock You. Une fumée blanche monte de la scène. À 20h20 exactement, on entend enfin la guitare électrique derrière le rideau. Puis, tout explose. Bardé de cuir, verres fumés sur le nez, Lambert entre sur scène avec Now I'm Here. Déjà, il donne un aperçu de ses capacités vocales hors du commun, tandis que May démontre ce que l'on savait déjà: c'est un roi de la guitare électrique.

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Ils enchaînent avec Stone Cold Crazy, puis les hits se succèdent toute la soirée, de Seven Seas of Rhye (1974) à The Show Must Go On (1991). On entendra des extraits d'au moins 12 des 15 albums studios du groupe, plus de 20 chansons en tout.

Voix phénoménale

Disons-le d'emblée: le légendaire Freddie Mercury, mort prématurément à 45 ans en 1991, a été l'une des plus grandes voix de l'histoire du rock. Au-delà de cette voix, c'était une bête de scène incroyable, un être irremplaçable. Les membres du groupe original encore actifs, Brian May et Roger Taylor, ont donc bien fait de souligner dans le titre de leur tournée qu'il s'agit d'un tandem, celui du groupe et du chanteur Adam Lambert. Ce dernier mène de son côté une belle carrière solo avec ses propres tournées et albums depuis qu'il a terminé en seconde place à l'émission American Idol, en 2009.

On ne saura jamais si le vote controversé qui avait élu le chanteur folk Kris Allen grand gagnant à la place de Lambert était influencé par l'homophobie - c'est du moins ce que prétendaient les partisans du chanteur, qui n'a jamais caché son orientation sexuelle -, mais on comprend pourquoi les vétérans de Queen l'ont choisi pour ce qui pourrait bien être l'ultime tournée du groupe.

D'abord, il possède une voix phénoménale couvrant plusieurs octaves et capable d'aller dans le très aigu. Des aigus essentiels que n'avait pas Paul Rodgers, l'autre chanteur associé à Queen de 2005 à 2009. C'est aussi une voix caméléon qui permet à Lambert de chanter tout ce qu'il veut, dans virtuellement tous les sous-genres de la pop et du rock. L'artiste de 32 ans a certes des affinités esthétiques avec les chansons de Queen. Mais on l'imagine aisément capable de reprendre avec brio et à sa façon des succès de certains groupes de la famille metal dont les chanteurs ont - ou avaient - des voix aussi remarquables que variées. On pense à Mötley Crüe, Scorpions ou Deep Purple.

Comme Mercury, il semble avoir été mis sur terre pour porter des costumes excentriques et se vautrer dans l'intensité théâtrale devant des milliers de spectateurs. C'est un authentique showman avec une personnalité de diva charismatique, capable de gagner l'affection du public en l'espace de quelques chansons.

Souvenirs

De cette soirée, on retiendra aussi un intermède pour les nostalgiques peut-être un peu trop long. Brian May s'installe seul à la guitare pour chanter Love of My Life après avoir expliqué que Mercury était assis juste à côté de lui, en ce moment même. Un couplet ou deux plus tard, l'icône décédée apparaît sous forme de projection pour chanter avec lui. C'est ensuite au tour de Roger Taylor de chanter en solo These Are the Days of Our Lives pendant que l'on projette des images du groupe à différentes époques. Un beau moment.

Seul numéro raté de la soirée: Love Kills, première chanson enregistrée de la carrière solo de Mercury, où Lambert s'est empêtré dans les fausses notes.

Au moment d'écrire ces dernières lignes, peu avant 22h15, Brian May se gâtait avec un interminable et délirant solo de guitare derrière des éclairages psychédéliques. On n'avait toujours pas entendu les trois plus grands succès de Queen, soit Bohemian Rhapsody, We Will Rock You et We Are The Champions. Mais on se doutait bien qu'ils gardaient le meilleur pour la fin.