Il y avait à peu près le même nombre de spectateurs - environ 10 500 - que la dernière fois, en avril 2011, pour voir Rod Stewart au Centre Bell hier soir. Stewart s'est excusé de les retrouver huit mois plus tard que prévu et il s'est même étonné de les voir si nombreux par cette soirée frigorifiante - bloody bloody freezing night, a dit le Rod.

Ce qu'il n'a pas dit, et qu'on a constaté rapidement, c'est qu'il allait s'employer à faire du Centre Bell le lieu le plus chaud à Montréal. Un genre de Las Vegas du nord avec tout le tralala, du décor aux costumes pastel du chanteur, sans oublier les choristes dans leurs robes à brillants et les musiciens tirés à quatre épingles. À 69 ans très bientôt, il y a longtemps que Rod Stewart a cessé de nous surprendre. Mais il a ses bonnes soirées, et celle d'hier en était une. Le chanteur était plus en voix qu'il y a deux ans et, surtout, pas du tout sur le pilote automatique.

En parfait MC, Stewart a établi comme très peu savent le faire un rapport avec ses fans, à coups de blagues, d'une bonne dose d'autodérision, d'anecdotes sympathiques et de ses clins d'oeil habituels au Celtic Football Club, ballons tirés dans la foule en prime. Enfin sorti de sa période Great American Songbook, il a pigé joyeusement dans son répertoire de classiques et d'emprunts qu'il a véritablement faits siens au fil des ans. Il faisait si bon de réentendre You Wear It Well et les rares The Killing of Georgie et Sailing qu'on lui pardonne d'avoir laissé sa fille Ruby chanter une de ses compositions pendant que monsieur changeait de costume. On a également eu droit à une section de cordes le temps de quelques ballades et il s'est même mis à neiger sur la scène pendant Have Yourself A Merry Little Christmas, preuve ultime que le kitsch assumé ne tue pas. Pour tout dire, on s'est beaucoup amusés.

Steve Winwood

Difficile de trouver contraste plus amusant que Steve Winwood pour lancer la soirée. Avec sa chemise à carreaux, ses tempes grises et ses cheveux ébouriffés, Winwood n'a surtout rien du look de Rod the Mod. Pourtant, les deux Britanniques, qu'on nous a montrés ensemble dans un bout de film des années 60, ont en commun leur passion pour la musique noire américaine et des voix qui sortent vraiment de l'ordinaire, un instrument sur lequel peut toujours compter Winwood à ce jour.

Pendant une heure, il a fait le tour de ses (presque) 50 ans de carrière, du Spencer Davis Group à son dernier album en passant par Traffic et Blind Faith. Aujourd'hui, Winwood est plus que jamais au carrefour du funk, du jazz et de la musique latine. Sa I'm a Man, ainsi revisitée, était presque méconnaissable et la guitare du très compétent Jose Neto s'est substituée au piano de Winwood pendant The Low Spark Of High-Heeled Boys. Les fans de Rod Stewart ont applaudi sagement, puis, au moment des adieux, après Gimme Some Lovin', ils se sont levés et ont servi une ovation méritée à Winwood et ses musiciens.