«Go! Michel, go!» a plus d'une fois lancé Daniel Bélanger à son guitariste pendant son spectacle d'hier soir au Corona. Ce n'était pas un reproche qu'il lui faisait, simplement une invitation à prendre tout l'espace qu'il voulait pour chauffer la foule avec sa six-cordes électrique. Michel Dagenais est ni plus ni moins la caution rockabilly de Daniel Bélanger dans son aventure Chic de ville, au disque comme à la scène.

Dagenais, qu'on appelait Dragnet du temps où il jouait avec Leloup, a en effet guidé l'auteur-compositeur-interprète dans son exploration de cette forme primitive de rock'n'roll proche du country associé aux années 50. Ce guitariste au phrasé élégant et capable d'humour est aujourd'hui le directeur musical du trio qui accompagne Daniel Bélanger et qui est complété par Ben Caissie (batterie) et Richard Gélineau (contrebasse).

Tout ça pour dire que son chanteur l'invitait à prendre le plancher, que Michel Dagenais ne se faisait pas prier et tirait des notes qui rockaient en roulant doucement et avec un groove retenu, mais pas piqué des vers. Pour tout dire, il aurait fallu nous attacher les jambes, voire nous visser les talons au plancher, pour nous empêcher de taper du pied.

Rien de compliqué

Chic de ville en ville (c'est le nom de la tournée) est le spectacle le plus jubilatoire de Daniel Bélanger depuis un moment. L'échec du matériel est un chef-d'oeuvre, mais son propos n'était pas taillé pour faire danser les bougalous. Nous, plus tonique dans la forme, avait donné lieu à un spectacle en dents de scie, tiraillé entre les prouesses musicales et l'envie de faire remuer les popotins.

Hier, il n'y avait rien de compliqué. Seulement un chanteur heureux de gratter sa guitare acoustique et trois gars qui s'amusaient ferme à colorer ses chansons de ces rythmes et ses couleurs bien enracinées dans l'imaginaire et le terroir nord-américain. Une batterie qui galope, une basse qui danse et une guitare qui fait des twing et des twang, merci, bonsoir!

Superbement à l'aise, en voix (ne l'est-il pas toujours?), Daniel Bélanger a interprété une majorité de titres de son dernier disque en commençant par Je poursuis mon bonheur. Il a dit des absurdités (ne le fait-il pas toujours?), il a joué de sa voix et de son vibrato unique et il a souri. Bref, il s'est amusé. Et il a ému, aussi.

Charisme fabuleux

Placée presque au milieu du spectacle, Chacun pour soi, où Daniel Bélanger déplore entre autres l'indifférence et l'individualisme qui prévalent, a fortement résonné dans le Corona, imposant sa beauté toute simple, calme comme un regret. Dans ce moment, comme lorsqu'il a ressorti Sèche tes pleurs ou qu'il a «rockabillisé» Fous n'importe où, morceaux emblématiques de l'électronique Rêver mieux, le chanteur redevenait cet interprète au charisme fabuleux, magnétique, avec lequel on renoue toujours avec plaisir.

Le côté plus aérien de la fin du spectacle, où il a aussi ressorti Te quitter, Rêver mieux et Le parapluie, tranchait un peu avec le début plus tonique. On pourra reprocher au sonorisateur d'abuser de l'écho dans la voix du chanteur. Il reste que, pour l'essentiel, l'agencement des chansons anciennes et nouvelles est quasiment sans faille. En clair: si vous aimez Daniel Bélanger, cette tournée est une occasion à ne pas rater.