Au naturel, Philippe Katerine est déjà un drôle de zigoto. Imaginez quand en plus il se met dans la bouche des chansons populaires francophones de toutes les époques, qu'il les déshabille et les régurgite sans que l'on sache vraiment s'il les aime ou s'il s'en moque.

C'est le pari que Katerine a fait avec ses quatre acolytes du groupe Francis et ses peintres qui était du Festival de jazz pas plus tard que dimanche dernier. En 2010, ils ont enregistré ensemble 52 de ces chansons à raison d'une par semaine, puis les ont gravées sur trois CD regroupés dans un coffret joliment intitulé 52 reprises dans l'espace.

L'avantage du spectacle qu'on a vu jeudi au Cabaret du Mile End sur les CD, dont l'écoute peut paraître interminable pour qui n'a pas fréquenté assidûment les palmarès hexagonaux, c'est évidemment la présence de Katerine et les fréquents contre-emplois musicaux de sa bande qui réinventent des chansons qu'on croyait immuables. Ces gars-là ont du mordant comme on l'a constaté pendant un pot-pourri qui commençait par T'es ok, t'es bath, t'es in et se terminait par La banane de Katerine avec une chanson de Maurice Chevalier quelque part entre les deux.

Au début de la soirée, Katerine chantait quasi a cappella sur un accompagnement minimal qui ne faisait qu'accentuer son délire. Puis il a fait plaisir à tout le monde en faisant Garou ET Céline dans une version blues nonchalante de Sous le vent. Le public du Cabaret du Mile End a chanté, mais il a aussi beaucoup ri comme lorsque le chanteur iconoclaste a déformé le nom de Roy Dupuis que lui avait lancé un spectateur: Raoul Dupuis? Roy Dubruit?

Un peu plus tard, Katerine qui ne sort jamais vraiment de son personnage, a présenté la plutôt kitsch Confidence pour confidence comme «une chanson intergénérationnelle pour enfants et personnes très âgées d'obédience sado-maso». Et il a enchaîné avec la reprise inédite de J'ai rencontré l'homme de ma vie en demandant à son public complice si elle avait été composée à Montréal ou à Boucherville.

Vous l'aurez compris, ce fut un spectacle inclassable, très drôle, fou furieux par moments, au cours duquel tout était permis, y compris un solo de saxophone du chanteur atypique.

Et qui s'est terminé par la joyeuse Louxor, j'adore.