Quand un groupe comptant 35 ans de carrière et une discographie de 12 albums interprète plus de la moitié de son dernier disque en spectacle, c'est signe qu'il n'est pas devenu hasbeen, pour employer une expression franglaise à l'image des chansons écrites par Nicola Sirkis.

Son groupe culte français Indochine se produisait au Centre Bell devant 5500 personnes, hier soir, avec une machine scénique transportée de l'Europe par bateau. Un spectacle unique, événementiel.

Puissante, la scène d'ouverture aurait pu tenir la foule en haleine plus longtemps. Les ombres des membres d'Indochine s'agrandissaient et rapetissaient derrière un filtre de couleur rouge sang. Le rideau s'est levé pour dévoiler un décor multimédia de ville et une arcade de lumières blanches. Le ton esthétique de l'album Black City Parade était donné.

Au loin sur la scène du Centre Bell, les membres d'Indochine ne faisaient pas leur mi-cinquantaine. Des montages vidéo défilaient avec une esthétique graphique saisissante. À l'image du dernier album d'Indochine, le public a voyagé des hauts de Shangaï au quotidien d'une guide de la circulation coréenne (Traffic Girl).

La foule a mis du temps à se dégourdir, mais après Punishment Park, elle était réchauffée. «Putain d'accueil Montréal ! Merci à tous», a lancé Sirkis aux spectateurs bruyants d'enthousiasme.

Seul hic, le son. Trop fort, trop sec et souffrant cruellement d'un manque de profondeur, avec la voix de Sirkis et la batterie surplombant trop l'ensemble. Heureusement que les chansons d'Indochine sont hyper mélodiques. La voix de Nicola Sirkis n'était pas toujours à la hauteur, mais c'était pardonné par son charisme, son intensité, son ravissement d'être sur scène à Montréal et... ses pas de danse singuliers.

Si Indochine est resté bien de son temps, son répertoire suscite inévitablement la nostalgie. C'était beau de voir les spectateurs vibrer à la fois sur Miss Paramount (1983), Tes yeux noirs (1985), J'ai demandé à la Lune (2002), Little Dolls (2009) ou Memoria (2013). N'empêche, si la foule a aimé les titres du dernier album, elle bondissait surtout de sa chaise au son des succès-souvenirs.

«Je suis très ému», a dit Nicola Sirkis, qui a même demandé que les lumières de l'amphithéâtre s'ouvrent pour voir les 5000 visages devant lui.

«Vous savez qu'en France, il y a des gens pas tolérants... à l'inverse de vous!», a-t-il poursuivi avant de saluer Xavier Dolan - présent dans la salle - et d'entonner College Boy (dont le clip réalisé par Dolan a suscité la controverse, faut-il le rappeler).

Avant le rappel, Indochine a largué une bombe dansante avec un medley réunissant Canary Bay, Des fleurs pour Salinger, Paradize, Play Boy et 3e sexe. Une belle façon de remixer ses hymnes rassembleurs sans les dénaturer.

Indochine a gardé d'autres vieux succès pour la fin (même son tout premier L'Aventurier), sans oublier de nouvelles chansons (dont Le fond de l'air est rouge, inspirée du printemps érable).

En entrevue, Sirkis nous disait avoir craint «de faire un album de trop». Qu'il soit rassuré: le nouveau matériel d'Indochine est solide et pertinent.

Avec plus de deux heures de musique et quelque 25 chansons, Indochine a donné un spectacle généreux à la hauteur de son caractère événementiel au Centre Bell. Un beau crescendo d'émotion, de souvenirs et d'intensité (des feux d'artifice explosaient au moment de mettre sous presse). Tant pis si le son était mauvais.