Jeune, Mahalia Jackson avait fait le voeu de mettre sa voix magnifique au service du «Good Lord». À 70 ans passés, Ranee Lee prête aujourd'hui ses immenses talents de chanteuse et de comédienne à l'évocation de la vie et de l'oeuvre de celle que l'on appelait «la reine du gospel».

En présence du ministre de la Culture, Maka Kotto, le Centre Segal des arts de la scène a présenté jeudi la «première mondiale» de The Mahalia Jackson Musical, écrit et mis en scène par Roger Peace, associé à la maison montréalaise Copa de Oro, coproducteur avec le Segal.

Sur scène, tout au long du spectacle, une chorale gospel de neuf voix (six femmes et trois hommes) avec un trio claviers-basse-batterie, le directeur musical Taurey Butler au piano côté jardin et Ranee Lee en Mahalia Jackson. Deux jeunes comédiens - Adrienne Irving et Tristan D. Lalla - viennent tour à tour incarner, avec des bonheurs divers, les femmes et les hommes dans la vie de la chanteuse.

Avec l'accent des «gens de couleur» du «Na'Arleens» des années 20, «Mahalia» raconte avec une verve souvent comique comment elle a quitté sa Louisiane natale pour monter à Chicago, plaque tournante vers tous les possibles d'où elle partira, seule, à la conquête du monde. God Put a Rainbow in the Sky!

Sans l'imiter, Ranee Lee fait revivre Mahalia Jackson dans son style chanté - vibrato dans les basses comme dans Motherless Child - et dans ses postures scéniques: mains jointes et yeux fermés dans la prière, bras ouverts et poings fermés devant le combat de la vie d'ici-bas: Nobody Knows the Trouble I've Seen.

Mme Lee a fait le choix de chanter en solo accompagnée, pour la plupart des 20 pièces, du seul Taurey Butler. Jeudi, le sonorisateur a mis du temps à ajuster le volume du micro de la chanteuse, «enterrée» d'entrée par le piano de Butler qui, à 290 livres, n'a rien du minet de la touche. Tout s'est réglé pour Summertime, le célèbre aria de Gershwin.

Pour un ensemble semi-professionnel, la chorale de Marcia Bailey (une ancienne du Montreal Jubilation) livre une prestation tout à fait acceptable du point de vue vocal mais tombe court dans la gestuelle d'ensemble, caractéristique des gospel choirs. Aussi, peut-être parce que trop peu nombreux à neuf, les chanteurs arrivent mal aussi à recréer la ferveur des temples baptistes du temps... ou l'idée que l'on s'en fait.

Reste que Roger Peace a donné beaucoup de place à la musique et personne ne s'en plaindra. Quand Ranee Lee ouvre grand pour How I Got Over, que Mahalia Jackson avait chantée à la Marche de Washington en août 1963, le Segal a la chair de poule. Et quand Lalla, en Martin Luther King, suit avec le fameux I have a dream (J'ai un rêve), on oublie, l'espace de ce discours-prière, que le Mahalia Jackson Musical n'est encore qu'un work-in-progess plein de potentiel.