Il y a une éternité qu'on avait vu les Who à Montréal. On se souvient vaguement du saccage d'une chambre d'hôtel, d'un spectacle annulé au Stade olympique, et c'est à Ottawa qu'il avait fallu aller les voir jouer leur premier nouvel album en deux décennies, Endless Wire, en 2006.

À l'époque, Pete Townshend avait dit qu'il ne serait pas remonté sur scène sans un nouveau disque. Endless Wire faisait un clin d'oeil au passé glorieux du groupe britannique avec son mini-opéra rock Wire and Glass, qui n'a pas tout à fait connu le succès de Tommy, disons.

Ironiquement, c'est pour jouer un autre opéra rock des Who qui a presque 40 ans que les deux survivants du groupe, le guitariste Townshend et le chanteur Roger Daltrey, sont finalement revenus à Montréal, hier soir. Malgré ses ambitions avouées, ses qualités musicales indéniables et sa thématique très en phase avec la jeunesse des Who - la quête d'identité d'un jeune Mod dans l'Angleterre des swinging sixties - Quadrophenia n'est pas la fabrique à succès que fut Tommy.

Mais bon, Townshend n'était pas là quand Daltrey a revisité Tommy l'an dernier à Wilfrid-Pelletier, et il faisait bon voir au Centre Bell le leader des Who nous refaire le coup du moulin à vent et tricoter ces riffs qui en ont fait l'un des grands guitaristes rythmiques du rock. Comme on était contents d'entendre, dans I'm One et quelques autres chansons, sa voix indissociable du son des Who, quitte à laisser son jeune frère Simon chanter The Dirty Jobs.

Quadrophenia a été bien servie, probablement mieux qu'il y a 39 ans. Townshend et Daltrey sont entourés de complices solides, dont Pino Palladino à la basse et le batteur Zak «fils de Ringo» Starkey, fan avoué du regretté Keith Moon. Leur envolée pendant la chanson 5:15 a été chaudement applaudie. Et les images des jeunes Who et des faits marquants des années 60 et 70 qui défilaient sur les six écrans tout autour, même si elles étaient parfois racoleuses, servaient bien le propos.

Mais il a fallu patienter jusqu'à la toute dernière chanson de Quadrophenia, l'hymne Love Reign O'er Me, pour que les 8754 spectateurs manifestent vraiment leur présence. Les cinq classiques qui ont suivi (Who Are You, Behind Blue Eyes, Pinball Wizard, Baba O'Reilly et Won't Get Fooled Again), et que certains spectateurs réclamaient avec de plus en plus d'insistance, les ont récompensés de leur patience.

La morale de cette histoire: les années ont passé et les chansons de Quadrophenia n'ont toujours pas leur place au panthéon des Who. Et les servir l'une à la suite de l'autre pendant une heure et demie n'était pas la meilleure façon de renouer avec un public auquel on n'avait pas rendu visite depuis tant d'années.

Photo: Olivier Pontbriand, La Presse

Roger Daltrey