Une demi-heure à peine après que Rudolf Schenker se fut amené en courant sur la scène du Centre Bell vers 21h, le groupe allemand Scorpions a finalement fait une pause, histoire de permettre à tout le monde, les quelque 7000 spectateurs y compris, de souffler un peu.

Le chanteur Klaus Meine a rappelé à ces fans finis combien lui et ses copains musiciens avaient été impressionnés de voir l'Histoire se dérouler sous leurs yeux lors de leur visite à Moscou en 1989. À leur retour en Allemagne, ils ont pondu la chanson Wind Of Change, associée à jamais aux images de la destruction du Mur de Berlin qui ont défilé sur les écrans derrière dès que Meine s'est mis à en siffler l'intro.

J'ai rarement entendu une chorale de spectateurs aussi convaincante que celle des Scorpions pendant cet hymne. Meine aurait pu fermer son micro qu'on ne s'en serait peut-être même pas rendu compte. Le chanteur a ensuite confié à ses adorateurs d'un soir qu'il avait gardé un souvenir impérissable de sa dernière visite au Centre Bell et il n'a pas été déçu hier non plus: cinq minutes plus tard, la chorale reprenait de plus belle pendant Send Me An Angel, la deuxième de quatre power ballades d'affilée dont Scorpions a le secret.

En toute honnêteté, la partie était gagnée bien avant Wind Of Change. Scorpions a mis la table avec le riff-rock de Sting In The Tail, toute récente et pourtant tout ce qu'il y a de plus rétro. Des pétards, des flammes, des courses d'un bout à l'autre de la scène jusqu'au bout de la passerelle s'avançant dans la foule qui tendait le poing, c'était parti.

Les trois Allemands et leurs acolytes polonais et américain ont aussitôt aligné cinq chansons vieilles d'une trentaine d'années. Quand les spectateurs ont reconnu The Zoo, ils se sont levés d'un trait pour ne plus se rasseoir de la soirée. Le guitariste Matthias Jabs nous a fait le coup du talkbox et Meine a distribué des baguettes aux spectateurs qui ne se pouvaient plus. L'instrumentale Coast To Coast n'a rien arrangé...

C'était bien avant l'inévitable solo du batteur James Kottak, son Kottak Attack, tout aussi prévisible et racoleur que le solo de Jabs qui a suivi peu après, et les canons que Scorpions avait évidemment gardés pour la fin: Big City Nights puis, au rappel, la ballade Still Loving You et l'ultime Rock You Like A Hurricane.

À la limite, tout cela n'était que du glaçage sur un gâteau déjà riche. Scorpions a beau donner dans les clichés, il le fait sans pudeur et sans prétention, avec l'air de dire à son public complice: «Si on s'amusait un peu?»

Et ça marche.