A walk for Lhasa, c'est la création présentée du mercredi 25 au vendredi 27 avril lors du festival français «le Printemps de Bourges». La famille, les artistes et amis de la chanteuse d'origine américano-mexicaine, décédée en janvier 2010, se sont réunis pour lui rendre hommage.

Les soeurs de Lhasa, Ayin, Miriam et Sky ont ainsi rejoint le chanteur français Arthur H, les Barr Brothers, le contrebassiste Miles Perkin, les chanteuses L, Emily Loizeau, Alejandra Ribera, la violoncelliste Sonia Wieder-Atherton ou encore Patrick Watson pour mettre sur pied cette oeuvre. Une façon de se souvenir des bons moments, de «la faire renaître»: selon ses soeurs, «passer du temps avec les personnes avec lesquelles elle passait du temps», c'est «connaître un peu mieux» Lhasa, qui déjà «toute petite, fredonnait, faisait des poèmes».

Célébrer Lhasa, «célébrer sa musique»

What Kind of Heart, écrite par l'artiste découverte au Printemps de Bourges en 1997, résonne dans le Théâtre Jacques Coeur. Sous la faible lumière des projecteurs, le violoncelle de Sonia Wieder-Atherton marque les temps de «la» marche, en référence au titre du spectacle, alors que les trois soeurs De Sela arrivent dans le fond de la scène. En robes noires, à quelques mètres d'écart les unes des autres, elles se déplacent lentement, comme des funambules, puis se rapprochent pour ne former qu'une seule et même personne et disparaître de l'autre côté de la scène.

Les Barr Brothers font leur entrée et s'installent autour du micro pour chanter Small Song, également écrite par la chanteuse venue s'installer à Montréal. À la fin de ce titre qui rappelle le negro spiritual, Sarah Pagé, la harpiste du groupe, prend la parole: «On est content d'être ici, pour célébrer sa vie et sa musique. C'est important pour nous car on sait à quel point elle était aimée par le public français», puis ajoute «on a l'impression que tout le monde a un morceau de Lhasa et quand on met tout ensemble, qu'elle est encore avec nous», avant que la chanteuse L ne rejoigne le groupe pour poser sa voix sur la ballade mélancolique J'arrive à la ville.

L'émotion est forte dans la salle. L interprète Sur mon île. À propos, elle avait expliqué lors d'une conférence: «Écrire un hommage, c'est très lourd à porter donc j'ai écrit [ce titre, ndlr] comme si j'avais écrit pour son prochain album». Quant à l'artiste Emily Loiseau, elle aurait «voulu mieux connaître» Lhasa. «Troublée» par sa disparition, elle a souhaité lui rendre hommage en écrivant une chanson intitulée Tyger et en reprenant le succès Rising: une interprétation saisissante où la voix brute de la Française, accompagnée de la violoncelliste Sonia Wieder-Atherton, semble empreint à la fois de tristesse et de douceur.

Faire durer les souvenirs

Le spectacle continue avec le titre Pa'llegara tu lado, et la scène devient un cirque: Miriam De Sela s'adonne à des roues délicates derrière les musiciens, tandis qu'entre deux chansons, sa soeur Sky se transforme en clown: assise sur une chaise, elle ouvre sa petite valise pour en sortir du maquillage, se recouvre le visage de blanc et, à l'aveugle, souligne ses yeux de noir, redessine ses sourcils, se trace une moustache et un bouc, puis enfile une perruque et un nez en plastique, avant d'être rejoint, pour un El Pajaro endiablé, par la chanteuse Alejandra Ribeira, les Barr Brothers et Patrick Watson. Puis c'est au tour du chanteur montréalais de reprendre Between The Bars d'Elliott Smith. «C'est une chanson qu'on chantait souvent ensemble», se souvient l'artiste. Il avait d'ailleurs confié à propos de Lhasa: «Pour moi [la création A walk for Lhasa, ndlr], c'est une façon de passer du temps avec elle». Une opinion partagée par tous les amis et la famille de la défunte.

Ce spectacle constitue véritablement pour ses participants un moyen de garder près d'eux et d'honorer cette artiste singulière et «pure», comme la définit Patrick Watson. «Plein de monde a une histoire différente avec Lhasa, c'est ce qui est intéressant», précise le Montréalais. Et c'est ce qui fait que tant d'artistes ont souhaité lui rendre cet hommage. C'est le cas des Barr Brothers qui ont écrit A Cloud, titre folk nostalgique et aérien ou encore du chanteur français Arthur H avec Dis-moi tout. Lui aussi raconte: lorsque la mère de Lhasa de Sela a jeté les cendres de celle-ci dans l'eau d'une rivière, «on a réalisé qu'on allait tous finir comme ça un jour. Quelque part, il y avait quelque chose de rassurant [...]». Après cela, «il ne restait plus qu'un esprit et ce qui est fou c'est qu'il continue de nous toucher et de nous inspirer», insiste-t-il.

Sentir sa présence

D'autres titres de Lhasa s'enchaînent: La marée haute, On rit encore, El Desierto, ou encore l'entêtant et entraînant Los Peces, qui réunit tous les artistes de la création, mais aussi la douce chanson Soon this place will be too small où le contrebassiste Miles Perkin et les Barr Brothers accompagnent Patrick Watson; un instant émouvant illustré par l'image du visage de Lhasa projetée sur une toile derrière la scène et une ambiance lunaire.

Un dernier hommage est rendu à l'artiste par ses soeurs, accompagnées des Barr Brothers. L'une d'elles prend la parole: «Merci d'inventer l'amour, comme dirait Lhasa, merci à la musique, parce qu'elle nous fait du bien [...]». Elles interprètent Island Song, composée par Lhasa avec Joe Grass. «On a écouté la chanson après sa mort et on est tombé en amour», glisse l'une des soeurs. Les premières notes se font entendre. Ayin, Miriam et Sky, assises au bord de la scène, chantent a capella, puis, à genoux, forment une ronde et se frappent les mains tel des petites filles. Un frisson semble parcourir l'assistance...comme si Lhasa était là.